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« Google suggest » et « recherches associées » soumis à la loi informatique et libertés

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ans un jugement du 28 janvier 2014, la 1ère Chambre du Tribunal de commerce de Paris a condamné la Société GOOGLE Inc à supprimer sous astreintes de 1000 euros par infraction constatée l’association de termes litigieux aux nom et prénom d’un ressortissant français qui avait fait valoir en vain son droit d’opposition.

En l’espèce, étaient en cause les outils logiciels « Google Suggest » et « recherches associées » proposés par le moteur GOOGLE et proposant une liste de termes associés à la requête formulée par l’internaute dans la barre de recherche principale.

La Cour de Cassation avait estimé dans un arrêt du 19 juin 2013 que GOOGLE INC n’était pas responsable des suggestions proposées automatiquement par ces deux outils puisque lesdites suggestions « étaient le fruit d’un processus purement automatique dans son fonctionnement et aléatoire dans ses résultats de sorte que l’affichage (…) qui en résulte est exclusif de toute volonté de l’exploitant du moteur de recherche d’émettre les propos en cause et de leur conférer une signification autonome ». Les hauts magistrats avaient donc logiquement écarté l’application de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui impose la présence d’un auteur et d’une intention dans la publication des contenus litigieux.
Or, dans sa décision du 28 janvier 2014, le Tribunal de Commerce de Paris est invité à se prononcer sur l’application d’un autre texte : la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 dite « informatique et libertés » dans le cadre de l’exercice d’un droit d’opposition. L’article 38 de ce texte prévoit en effet que : « toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement ».

Le requérant, qui voyait resurgir en suggestion des indications sur son passé pénal estimait que GOOGLE INC portait atteinte à sa réputation et demandait la suppression desdites suggestions.

GOOGLE Inc estimait de son côté qu’il ne peut être satisfait à la demande d’opposition du fait du caractère automatique des suggestions et de la non application de la loi française à ces outils logiciels.

Telle ne fut pas la position du Tribunal qui s’attache à motiver les raisons de l’application de la loi informatique et libertés au géant américain de l’internet pour lui imposer le respect du droit d’opposition d’un ressortissant français justifiant d’un motif légitime.
L’occasion d’un décryptage sur une motivation particulièrement détaillée et « dans l’ère du temps ».

1. Une décision tendant à l’application de la loi française particulièrement motivée

Pour justifier l’application de la loi informatique et libertés et légitimer l’exercice du droit d’opposition par tout citoyen français, le Tribunal de Commerce de Paris reprend point par point les grandes définitions du texte de 1978 :

Est ainsi observé que le service de recherche sur internet proposé par GOOGLE Inc est directement associé aux outils « Google Suggest » et « recherches avancées » qui affichent de façon automatique des thèmes de recherches complémentaires sans intervention.

Or, l’article 2 de la loi fixe bien une application du texte « aux traitements automatisés de données à caractère personnel (…) lorsque leur responsable remplit les conditions de l’article 5 ».

Cette application résulte également de ce même article 2 qui définit :

– une donnée à caractère personnel comme « toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres ».

– un traitement de données à caractère personnel comme « toute opération ou tout ensemble d’opérations portant sur de telles données, quel que soit le procédé utilisé et notamment la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la conservation, l’adaptation (…), la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition (…) ».

Dans le cas d’espèce, le nom patronymique et le prénom constituent à l’évidence des données à caractère personnel permettant d’identifier le requérant. De même, l’association des termes litigieux avec ces données à caractère personnel constitue bien, selon le Tribunal, un traitement de données à caractère personnel, puisqu’il s’agit d’une « communication par transmission » et d’une « diffusion » de ces données aux sens prévus par la loi.

La qualification de responsable de traitement est également acquise pour le juge français dans la mesure où GOOGLE Inc est à l’origine de l’algorithme qui procède au traitement litigieux et que les services de GOOGLE décident quelles données sont traitées comme le but de ces traitements.

S’agissant de l’application territoriale de la loi, le Tribunal rejette l’argument de GOOGLE Inc en invoquant une interprétation large de la notion de moyens de traitement (Cf. Avis 1/2008 du G29 du 4 avril 2008). Il constate ainsi que les services de GOOGLE INC sont disponibles via le site www.google.fr en langue française à destination d’usagers y résidant et accédant aux services au moyen de leurs ordinateurs hébergeant les cookies et logiciels similaires installés par GOOGLE INC à d’autres fins que du simple transit. En d’autres termes, la condition de l’article 5 précisant que la loi du 6 janvier 1978 est notamment applicable lorsque le responsable de traitement a recourt à des moyens de traitement situés sur le territoire français est également remplie pour le Tribunal.

2. Une application du droit d’opposition demeurant conditionnée à la preuve de motifs légitimes

Si le Tribunal impose l’application du droit d’opposition à GOOGLE Inc, il n’en demeure pas moins nécessaire de contrôler la condition d’exercice d’un tel droit, à savoir la justification d’un motif légitime.

En l’espèce, le Tribunal relève que les suggestions proposées portent manifestement atteinte à la réputation du requérant en renvoyant au passé pénal de ce dernier. L’atteinte à la notoriété ainsi qu’à la réputation du requérant dans son domaine d’activité constituent dès lors pour le Tribunal un motif légitimant l’exercice du droit d’opposition et la suppression des termes litigieux dans les remontées automatiques des fonctionnalités « Google Suggest » et « recherches associées ».

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La décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 13 mai 2014 qui impose à GOOGLE Inc l’application d’un droit à l’oubli (Cf. https://www.haas-avocats.com/actualite-juridique/e-reputation-google-doit-respecter-le-droit-a-loubli-des-internautes/) devrait impacter les suites de cette affaire portée par GOOGLE Inc devant la Cour d’Appel de Paris.

Il apparaît en effet que le géant américain ait passé un printemps judiciaire quelque peu orageux (https://www.haas-avocats.com/actualite-juridique/printemps-judiciaire-orageux-pour-geant-google/) que ce soit au niveau Européen ou français.

Toujours est-il que ces décisions, au-delà des incertitudes juridiques, techniques et économiques, participent à une prise de conscience globale de l’impérieuse nécessité de protéger les données à caractère personnel des justiciables de plus en plus exposés à leurs avatars numériques. Elles révèlent également qu’un long chemin reste à parcourir pour parvenir à une harmonisation globale des règles applicables aux gestions des données dans un contexte dépassant le seul cas du moteur de recherche GOOGLE.

Ainsi, et à titre d’exemple, à l’heure du big data, nul doute que la question de la protection de la vie privée demeurera au centre des préoccupations des professionnels du droit qui devront veiller, aux côtés de leurs clients, à assurer la sécurisation juridique de ces outils aux potentiels vertigineux (https://www.haas-avocats.com/actualite-juridique/loffre-big-data-entre-casse-tete-juridique-et-defi-ethique/).

Affaire(s) à suivre donc.

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