Depuis près d’un an, l’accès aux données de santé est au cœur d’un débat national. C’est donc dans ce cadre que Madame la Ministre de la Santé et des Affaires Sociales a lancé, le 21 novembre 2013, un débat autour de l’open data devant aboutir à la publication d’un rapport en avril prochain.
Si ce débat tient sur la durée, c’est notamment parce qu’il représente à la fois des enjeux et des risques concernant les données sensibles que sont les données de santé. L’occasion de revenir sur les problématiques qui sous-tendent ce débat important.
I- UN PREMIER PAS VERS L’OPEN DATA EN MATIÈRE DE SANTÉ
L’open data est un mouvement qui considère que l’information publique a vocation à être mise à disposition de tous, afin de circuler et d’être réutilisée. L’idée ici est alors de s’attaquer à des données de santé, jalousement conservées secrètes par les autorités publiques.
Toutefois, un arrêté du 13 juillet 2013 démontre une certaine volonté de l’Etat d’agir dans le sens de la transparence des données de santé, en étendant l’accès à la base de données SNIIRAM à de nouveaux organismes.
Le SNIIRAM est le Système national d’informations inter-régimes de l’Assurance maladie en France. Cette base regroupe les données issues des remboursements de l’Assurance maladie et gère 1,2 millions de feuilles de soins anonymisées par an .
L’arrêté du 19 juillet 2013 participe ainsi au mouvement en faveur de la transparence et de l’open data en autorisant l’accès à la base SNIIRAM à de nouvelles personnes. En effet, initialement, seuls les médecins conseils et les personnes qu’ils désignaient pouvaient effectuer des recherches mettant en œuvre simultanément plus d’une des quatre variables sensibles (commune, date des soins, mois et année de naissance et date de décès) avec d’autres données.
Désormais, peuvent avoir accès à ces données :
o les médecins de l’Institut de veille sanitaire (InVS) et le personnel habilité placé sous sa responsabilité ;
o des agents de la Haute Autorité de la Santé (HAS) et de l’Agence Nationale de Sécurité des Médicaments et produits de santé (ANSM), respectivement désignés par son Président et le directeur de ces instances ;
o de nouveaux destinataires publics, à savoir les Agences régionales de santé (ARS) et les agents de l’Agence de Biomédecine (ABM), mais seulement pour des données agrégées ou un échantillon individualisé.
En outre, l’accès aux données agrégées relatives aux bénéficiaires de l’assurance maladie et aux professionnels de santé est également ouvert aux structures membres de l’Institut des données de santé (IDS) ou les constituant, nommément désignées par le Président de l’Institut.
Ainsi, l’accès aux données de santé de la base SNIIRAM demeure limité et strictement encadré.
II- ENJEUX ET RISQUES DE L’OPEN DATA EN MATIÈRE DE DONNÉES DE SANTÉ
L’open data en matière de santé peut, de prime abord, présenter de nombreux enjeux bénéfiques.
L’affaire « Médiator » a poussé les défenseurs de l’open data et de la transparence à arguer de l’importance fondamentale de l’ouverture des données pour améliorer la veille sanitaire et ainsi permettre de détecter en temps réel des anomalies liées à la consommation de médicaments, à des prescriptions inappropriées et de mettre rapidement en place des mesures correctives.
De surcroît, des enjeux majeurs existent en matière d’assurance : études statistiques sur la consommation des assurés, faciliter la mise en place des réseaux, permettre au grand public de comparer, en toute transparence, les tarifs et prestations des professionnels de santé…
Néanmoins, ces enjeux de santé publique liés à l’ouverture aux données de santé ne sont pas exempts de risques.
En effet, malgré un avis de la CNIL de 2001 encadrant les conditions d’accès et de sécurité de la base SNIIRAM , les opposants au mouvement de transparence et d’accessibilité des données de santé mettent en exergue deux problématiques majeures.
D’une part, certains considèrent que les dispositifs techniques mis en place pour anonymiser les données ne seraient pas suffisants, faisant peser un risque sur la vie privée des personnes dont les données sont stockées dans le SNIIRAM (à savoir la majorité de la population française) et, d’autre part, des craintes sont évoquées quant à la réutilisation biaisée des données ou encore d’éventuelles exploitations abusives de celles-ci.
En outre, les professionnels de santé s’inquiètent de la possibilité de reconstituer leurs chiffres d’affaires par recoupement de données et plus encore de la possibilité de découvrir des failles dans l’intégrité des données gérées par chaque professionnel de santé et transmises au SNIIRAM.
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Les antagonismes nés du débat de l’ouverture de l’accès aux données de santé anonymisées renvoient au débat du contrôle ou plus exactement de la « correcte » appréhension des évolutions technologiques.
A notre sens cette « appréhension » progressive des évolutions technologiques a été prévue par le législateur français dès 1978 dans l’article 1er de la loi « informatique et libertés » :
« l’’informatique doit être au service de chaque citoyen. Son développement doit s’opérer dans le cadre de la coopération internationale. Elle ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques ».
A l’heure du Big Data, à l’heure où la Société GOOGLE procède à des opérations massives d’achats de Sociétés spécialisées dans le secteur médical, à l’heure où se posent les questions de rallongement de l’espérance de vie, du séquençage de l’ADN humain, de la convergence des NBIC , une réflexion globale sur la « coopération internationale », la protection de « l’identité humaine » et « des droits de l’homme » de la « vie privée et des libertés individuelles ou publiques » apparait loin d’être superflue.
Chaque responsable de traitement de données et a fortiori chaque détenteur de données de santé, devrait ainsi être sensibilisé aux enjeux attachés aux « datas ». Ces enjeux ont en effet des impacts éthiques vertigineux (Cf. notamment la thèse transhumaniste), révélant des intérêts financiers colossaux (Cf. notamment au niveau des assurances, du marketing comportemental, etc.)
Affaire à suivre donc…
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