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Intermédiaires en biens divers : Quel est l’impact de la loi Sapin II sur le contrôle de l’AMF?

loi sapin amf HAAS Avocats

Par Stéphane ASTIER, Paul BENELLI et Enzo FALCONIERI

A l’heure des rendements historiquement faibles de l’épargne traditionnelle, l’attrait des épargnants pour les placements atypiques (hectares de forêt, vins, timbres, diamants d’investissements, métaux rares, etc.) s’est considérablement renforcé. Or, malgré les multiples alertes de l’AMF et une explosion des contrôles (1), force est de constater que ce secteur prête aujourd’hui le flanc à une vague de défiance née de la sphère judiciaire et du grand nombre d’escroqueries dénoncées.

La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite loi « Sapin II »(2) est venue modifier dans ce contexte le nouveau régime des intermédiaires de biens divers introduit par la loi « Hamon » du 17 mars 2014 (3).

Un secteur entier de l’économie se trouve impacté par cette nouvelle législation qui vient renforcer de manière drastique les prérogatives de l’Autorité des Marchés Financiers.

En effet, en étendant le contrôle a priori de l’AMF aux intermédiaires en biens divers soumis au régime allégé, le législateur a manifestement souhaité procéder à une inversion de modèle, passant d’un système à la logique plutôt répressive à un système orienté vers le préventif et la responsabilisation des acteurs avant même leur communication au public.

Il en résulte pour l’AMF des pouvoirs et une charge de travail particulièrement étendus pour permettre la régulation d’un secteur sensible de notre économie.

A. Le régime antérieur à la loi « Sapin II »

Le régime des intermédiaires de biens divers a d’abord connu une importante modification avec la loi « Hamon ».

La loi « Hamon » est en effet  venue définir les intermédiaires en biens divers comme « toute personne qui propose à un ou plusieurs clients ou clients potentiels d’acquérir des droits sur un ou plusieurs biens en mettant en avant la possibilité d’un rendement financier direct ou indirect ou ayant un effet économique similaire ».

Le texte de 2014 a également entendu distinguer deux types d’intermédiaires de biens divers auxquels elle appliquait deux régimes différents :

1. Le régime normal (4):

Il concerne toute personne qui, directement ou indirectement, (..) propose à titre habituel à un ou plusieurs clients (…) d’acquérir des droits sur des biens mobiliers ou immobiliers lorsque :

  • les acquéreurs n’en assurent pas eux-mêmes la gestion ou
  • lorsque le contrat leur offre une faculté de reprise ou d’échange et la revalorisation du capital investi ;
  • ou recueille des fonds à cette fin ;
  • ou est chargée de la gestion desdits biens.

Ces intermédiaires font l’objet d’un régime particulièrement « lourd » (5) qui se traduit par le fait que :

  • la société soit constituée sous la forme d’une société anonyme
  • avec un capital minimum associé,
  • respecte un principe de parfaite transparence de ses comptes qui doivent être annuellement certifiés,
  • et voie ses communications promotionnelles faire l’objet d’un contrôle a priori par l’AMF avant tout démarchage de clients.

2. Le régime allégé (6) :

Il concerne toute personne qui propose à un ou plusieurs clients ou clients potentiels d’acquérir des droits sur un ou plusieurs biens en mettant en avant la possibilité d’un rendement financier direct ou indirect.

Ces intermédiaires n’avaient, avant la loi « Sapin II », aucune obligation au moment de leur constitution. Ils étaient néanmoins soumis à un contrôle a posteriori de leurs communications promotionnelles par l’AMF.

 

B. Les apports de la loi « Sapin II »

1. Modification de l’article L. 550-1 du CMF (7)

Une étude menée par le CSA pour l’AMF en 2015 révèle que 40% des français ayant réalisé des « investissements atypiques » en biens divers se sont déclarés victimes d’une arnaque. Entre 2014 et 2016, l’AMF a eu à traiter 43 dossiers de placements atypiques.

Le législateur a ainsi fait le constat que le pouvoir de contrôle a posteriori de l’AMF ne permettait « pas d’identifier avec certitude les escroqueries (aucune information sur les dirigeants ou l’organisation de la société) ; il permet uniquement de rééquilibrer la communication promotionnelle. Quel que soit le régime, l’accroissement de ces offres se heurte à des capacités opérationnelles de l’AMF très limitées, en face du potentiel illimité offert par Internet »(8).

Le législateur a ainsi ajouté un alinéa au paragraphe II de l’article L. 550-1 du CMF (9).

Ce faisant la loi « Sapin II » a étendu le contrôle a priori des communications promotionnelles aux intermédiaires en biens divers soumis au seul régime allégé. Désormais, les deux régimes (normal et allégé) sont soumis à ce contrôle a priori.

Les documents d’information doivent comporter :

  • Toutes les indications utiles à l’information des investisseurs,
  • Une description de la nature et de l’objet de l’opération,
  • L’identité de l’initiateur de l’opération et des personnes chargées de la gestion des biens,
  • Les frais mis à la charge des épargnants,
  • Les modalités de revente des droits et des biens acquis.

2. Modification de l’article L. 550-3 du CMF (10)

La loi « Sapin II » a également modifié le régime du contrôle a priori des documents promotionnels.

Les projets de documents d’information et de contrats types doivent être déposés préalablement à tout démarchage auprès de l’AMF qui contrôle :

  • l’ensemble des entreprises impliquées,
  • et si l’opération présente le « minimum de garanties exigé d’un placement destiné au public ».

La loi « Sapin II » porte le délai pendant lequel l’AMF doit rendre ses observations sur ces documents à 2 mois au lieu de 30 jours antérieurement (11).

Depuis la loi « Sapin II », l’AMF est habilitée à déterminer dans son règlement général (12) ce « minimum de garanties » et ce pour toutes les opérations d’investissement en biens divers.

 

C. Les modifications envisagées du règlement général de l’AMF (13)

Une modification du règlement général de l’AMF (« RGAMF ») est donc envisagée.

L’AMF a, à ce titre, lancé une consultation sur les modifications qu’elle envisage d’apporter à son règlement général au sujet des garanties qu’elle pourrait demander aux intermédiaires en biens divers.

Les différentes garanties envisagées par ce projet de modification du RGAMF sont les suivantes :

1. Garanties requises de tous les intermédiaires en biens divers

L’ensemble des intermédiaires en biens divers impliqués dans le montage et la réalisation de l’opération (initiateurs de l’opération, personnes recueillant les fonds des investisseurs ou gestionnaires de biens) devront présenter des garanties minimum adaptées à la nature de l’opération proposée relativement à :

  • leur organisation ;
  • leur honorabilité, compétence et expérience ;
  • l’absence de conflits d’intérêts de nature à porter atteinte à l’intérêt des investisseurs ;
  • l’existence d’une assurance responsabilité civile professionnelle.

2. Garanties requises des seuls intermédiaires prenant l’initiative de l’opération (15)

L’intermédiaire en biens divers prenant l’initiative du dépôt du dossier de demande de numéro d’enregistrement contenant ces projets prendra la responsabilité de l’opération (à part être l’interlocuteur principal de l’AMF concernant l’opération projetée, l’AMF ne précise pas ce que cette « responsabilité » pourrait impliquer).

Le responsable du dépôt devra justifier de plusieurs éléments :

  • l’ouverture d’un compte bancaire dédié à l’opération ;
  • la souscription d’une assurance des biens remis ;
  • une évaluation des biens, des droits sur les biens ou des droits à percevoir une rente viagère au moment de l’offre ;
  • la détermination du profil type d’investisseur qui doit être en corrélation avec les risques du placement ;
  • la tenue d’un registre des avoirs de chaque investisseur ;
  • la transmission aux investisseurs des justificatifs de l’acquisition des biens, des droits sur les biens ou des droits à percevoir une rente viagère ;
  • la signature du dossier déposé auprès de l’AMF.

L’AMF a, en outre, d’ores et déjà prévu pour certaines opérations dont « la nature le justifierait » (16), que le responsable du dépôt devra :

  • souscrire une assurance des biens sur lesquels des droits sont acquis par les investisseurs ;
  • mettre en place une procédure de valorisation des biens ou des droits sur les biens au moment de l’exercice de la faculté de reprise ou d’échange ;
  • mettre en place, dans le cas où une faculté de reprise ou d’échange des biens ou des droits sur les biens est prévue, un mécanisme garantissant leur liquidité.

3. Garanties liées à l’examen des documents d’information (17)

Quel que soit le régime auquel ils sont soumis, les intermédiaires en biens divers devront soumettre leurs projets de documents d’information et leurs projets de contrats type à contrôle a priori de l’AMF.

L’enregistrement de l’opération par l’AMF sera effectué après analyse de ces projets.

L’information donnée aux investisseurs doit être : complète, cohérente et compréhensible.

Devront être annexés les documents suivants :

  • un rapport d’expertise : la grande diversité des biens et opérations concernées fait apparaître la nécessité de recourir à un expert offrant les garanties suffisantes permettant d’attester de l’existence et de la valeur des biens ;
  • les justificatifs de garanties (art. 441-1 et 441-2 du RGAMF) ;
  • les projets de documents commerciaux : communiqués au client uniquement si les observations de l’AMF ont été respectées.

 

D. Les sanctions attachées au non-respect de ces nouvelles règles

1. Sanctions pénales

Le non-respect des prescriptions de l’article L. 550-3 du CMF est puni d’un emprisonnement de 5 ans et d’une amende de 18 000 euros (18).

Lorsque l’AMF constate une escroquerie (la tentative d’escroquerie est punie des mêmes peines (19)) elle communique au Procureur de la République l’ensemble des informations dont elle dispose. Une telle infraction est punie d’une peine d’emprisonnement de 5 ans et d’une amende de 375 000 euros (20).

Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 1.000.000 d’amende lorsque l’escroquerie est commise en bande organisée (21).

A titre de rappel, les publicités considérées comme trompeuses en cas d’absence de transparence ou d’information insuffisante ou erronée des clients sur les risques liés à ce type d’opération constituent des pratiques sanctionnées par 2 ans d’emprisonnement au plus et d’une amende de 300 000 euros, étant précisé que les personnes morales déclarées responsables pénalement encourent une amende de 1.500.000 euros (22).

2. Sanctions disciplinaires

Les sanctions disciplinaires sont infligées directement par l’AMF, après un contrôle, conformément à la compétence que lui octroie l’article L. 621-9 8° du CMF.

A ce titre, conformément à l’article L.621-15 du même code, la Commission peut, après une procédure contradictoire, sanctionner un intermédiaire pour tout manquement à ses obligations professionnelles, lesquelles peuvent découler de la loi, des règlements, ou même des règles professionnelles avalisées par l’AMF. Les sanctions applicables comprennent des sanctions de nature disciplinaire (blâme, avertissement, interdiction d’exercice), voire financière, puisqu’une sanction pécuniaire pouvant aller jusqu’à 100 millions d’euros peut être prononcée.

A titre d’illustration, il convient de rappeler que l’Autorité a prononcé des sanctions allant de 4.500 euros à 1 millions d’euros dans l’affaire Marble Art Invest (AMF, sanct. 7 Avr. 2014 ), considérant que la réglementation relative aux intermédiaires en biens divers s’appliquait à ce réseau de vente d’art contemporain mettant en avant une plus-value garantie d’au moins 4%.

Dans cette affaire, l’AMF a ainsi réalisé un partage de responsabilité entre les membres du réseau :

  • une interdiction définitive d’exercer la profession d’intermédiaire en biens divers et une sanction pécuniaire d’1 million d’euros contre la personne « à l’origine de la diffusion de ce produit et bénéficiaire d’importants prélèvements sur les fonds collectés » ;
  • une sanction pécuniaire de 400 000 euros et une interdiction d’exercer l’activité d’intermédiaire en biens divers de cinq ans pour la personne à la tête d’un réseau d’intermédiaires ;
  • une sanction pécuniaire de 110 000 euros  contre un apporteur d’affaires ;
  • une sanction pécuniaire de 300 000 euros contre un huissier ayant garanti la souscription.

En outre, toutes les personnes ayant participé à la création du réseau et/ou ayant perçu des commissions ont été condamnées à des sanctions pécuniaires dont le montant varie en fonction de l’importance du rôle de ces personnes dans le réseau.

3. Autres sanctions

Avant la conclusion de l’opération d’investissement, les investisseurs devront recevoir les documents d’informations relatifs à l’opération projetée. A défaut, le juge pourra accorder alternativement des dommages-intérêts ou prononcer la résolution du contrat (23).

 

 

Dans ce contexte de modification législative, les professionnels du droit ont vocation à accompagner les intermédiaires en biens divers à chaque stade du lancement de leur activité :

 

  • préparation du dossier AMF
  • gestion, suivi des relations AMF en prévision du lancement d’activité
  • Gestion des contentieux à l’égard de l’AMF
  • Audit juridique des plateformes digitales et autres outils de communication envisagés
  • etc.

 

Le Cabinet HAAS accompagne ainsi ses clients intermédiaires en biens divers dans le cadre de la consolidation juridique de leurs projets.

 

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(1) http://www.agefiactifs.com/droit-et-fiscalite/article/un-controle-accru-sur-les-produits-risque-76046
(2) https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000033558528&categorieLien=id

(3) https://www.haas-avocats.com/ecommerce/placements-atypiques-intermediaires-biens-divers-lamf-veille/
(4) Article L. 550-1 I. du CMF
(5) Les intermédiaires en biens divers soumis au régime normal doivent respecter les dispositions des articles L. 550-2, L. 550-3, L. 550-4, L. 550-5 et L. 573-8 du code monétaire et financier.
(6) Article L. 550-1 II. du CMF
(7) Article 79 1° de la loi « Sapin II »
(8) http://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r4040.asp#P512_81038
(9) « Les personnes mentionnées au II du présent article sont soumises à l’article L. 550-3 » du CMF.
(10) Article 79 2° de la loi « Sapin II »
(11) Ce délai pouvait être porté à 60 jours par décision motivée de l’AMF : https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=765C1C38CC6E7256E0379D6935CD6661.tpdila15v_2?idArticle=LEGIARTI000028748518&cidTexte=LEGITEXT000006072026&categorieLien=id&dateTexte=20161210
(12)
(13)
(14) Modification de l’article 441-1 du RGAMF
(15) Modification de l’article 441-2 du RGAMF
(16) L’AMF n’apporte, pour le moment, aucune précision sur cette « nature ».
(17) Modification de l’article 441-3 du RGAMF
(18) Article L. 573-8 al. 1 du CMF
(19) Article 313-3 du code pénal
(20) Article 313-1 du code pénal
(21) Article 313-2 du code pénal
(22) Article L. 121-1 du code de la consommation
(23) Article L. 550-3 al. 2 du CMF
(24) http://www.agefiactifs.com/droit-et-fiscalite/article/un-controle-accru-sur-les-produits-risque-76046

(25) https://www.haas-avocats.com/ecommerce/lancement-dune-solution-dinvestissement-ligne-quels-risques/

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