Le 29 septembre 2008, l’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et en Addictologie (ANPAA), la Société Française d’Alcoologie (SFA), Avenir Santé, La ligue contre le cancer et l’Union Nationale des Associations Familiales ont écrit au Premier Ministre, Monsieur François Fillon, afin de l’alerter sur les risques d’une généralisation de la publicité en faveur de l’alcool sur Internet.
En effet, la publicité en faveur des boissons alcoolisées est devenue fréquente sur Internet. Or, le cyberespace est particulièrement fréquenté par les jeunes, et son influence est « incomparablement supérieure à celle de la télévision ou du cinéma ».
L’alcool étant un problème de santé publique récurrent, ces associations s’inquiètent à juste titre des répercussions de l’impact publicitaire sur Internet et de la contradiction entre d’une part, l’arsenal juridique instauré en la matière par la loi n°91-32 dite « loi EVIN » du 10 janvier 1991, qui encadre la publicité en faveur des boissons alcoolisées dans les médias traditionnels (journaux, radios, télévisions), et d’autre part, la totale liberté de diffusion publicitaire sur le réseau Internet.
INTERNET, EXCLU DU CHAMP D’APPLICATION DE LA LOI EVIN
La loi n°91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme dite « loi EVIN » énonce une liste limitative de supports sur lesquels la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques dont la fabrication et la vente ne sont pas interdites sont expressément autorisées. Ces dispositions sont reprises par l’article L.3323-2 du code de la santé publique qui énonce notamment comme supports : la presse écrite, à l’exclusion des publications destinées à la jeunesse, la voie de radiodiffusion sonore pour les radios et tranches horaires déterminées par décret en Conseil d’Etat, les affiches et enseignes dans les zones de production, ainsi que les affichettes et d’objets à l’intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé.
De toute évidence, Internet n’est pas cité dans cette liste de supports autorisés, ce qui va de soi puisque Internet n’existait pas encore au moment de la publication de cette loi en 1991.
Or, si Internet n’est pas cité expressément par la loi comme un support autorisé de diffusion publicitaire sur l’alcool, alors la publicité en faveur des produits alcooliques est par conséquent interdite sur Internet.
C’est cette interprétation qu’ont retenu les juges lors d’un arrêt du 13 février 2008 qui opposait l’ANPAA à la société Heineken.
Dans cette affaire, la société Heineken avait été attaquée en référé par l’ANPAA pour violation de la législation sur la publicité pour l’alcool car son site comportait du contenu multimédia et des jeux accompagnés de la mention «For a Fresher World».
Pour sa défense, la société Heineken faisait valoir qu’interdire la publicité en faveur de l’alcool sur Internet revenait à violer le principe constitutionnel de la liberté du commerce et de plusieurs dispositions du traité européen sur la liberté de circulation des marchandises.
Toutefois, le 13 février 2008, la Cour d’appel de Paris donna raison à l’ANPAA en jugeant que le trouble manifestement illicite consistant à utiliser Internet pour faire de la publicité pour une boisson alcoolique était, en l’espèce, aggravé par le caractère incitatif du slogan «for a fresher world», que ce site était bien publicitaire, de par son contenu et qu’« il était manifeste que le support internet de l’internet ne figurait pas dans la liste limitative » de l’article L3323-2 du code de la santé publique.
UN PROJET DE REFORME SUIVI DE PRES PAR LES ASSOCIATIONS DE PREVENTION EN ALCOOLOGIE
C’est suite à une déclaration de la Ministre Roselyne Bachelot, que les associations en prévention den alcoologie ont commencé à s’inquiéter. En effet, la Ministre a annoncé lors d’un entretien avec des journalistes qu’elle ne s’opposerait pas à un amendement parlementaire autorisant la publicité pour l’alcool sur Internet, à condition de l’entourer de garde-fous.
Cet amendement devrait être débattu courant janvier 2009 dans le cadre de l’examen à l’Assemblée nationale de la loi «hôpital, patients, santé, territoire».
Les associations ont fait valoir qu’elles n’étaient pas opposées à une réforme de la loi Evin car elles estiment légitime que producteurs et distributeurs de boissons alcooliques puissent présenter leurs produits et les offrir à la vente. Toutefois, cette publicité ne devrait être autorisée selon elles que sur leur site internet et non sur des sites tiers.
Or, malgré les garde-fous annoncés par la Ministre, la solution qu’elle est prête à accepter est en réalité une autorisation de faire de la publicité sur tous les sites ce qui est difficile à comprendre compte tenu de la politique de santé publique qu’elle défend dans son projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires ».
De plus, dans le cas d’une ouverture de la publicité sur tous les sites Internet, les petits producteurs viticoles risquent de se retrouver désavantagés face aux moyens développés par les grands groupes industriels étrangers en matière de communication puisque ceux-ci disposent de plus grands budgets.
En tout état de cause, l’impact d’une diffusion publicitaire en faveur de l’alcool risque de toucher aussi bien les adultes que les plus jeunes. Affaire à suivre …
Pour en savoir plus :
Article L3323-2 du CSP – voir le document
Loi EVIN de 1991 – voir le document
Arrêt de la Cour d’appel de Paris : 14e chambre, 13 février 2008, Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie /Heineken – voir le document
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