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Concurrence déloyale et désorganisation par débauchage des salariés

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Il résulte d’une jurisprudence constante que le recrutement massif de salariés d’une entreprise concurrente constitue un acte de concurrence déloyale lorsqu’il entraîne une désorganisation de cette entreprise. Mais encore faut-il que l’entreprise ne soit pas à l’origine du départ de ses salariés et donc, indirectement, de sa désorganisation. 

Ainsi, dans l’espèce suivante, la Cour de cassation à le 22 mai 2207 écarté toute concurrence déloyale car :

En premier lieu, le départ des salariés de la société était consécutif aux difficultés réelles que connaissait cette société ; les salariés s’étaient déterminés en raison de leurs inquiétudes légitimes en termes d’emploi et compte tenu de la confiance qu’ils nourrissaient en leurs cadres qui leur avaient conseillé cette démission afin de sauvegarder leur emploi, et non en raison d’offres attractives en termes de rémunération ou autres, nullement alléguées.
En second lieu, la société connaissait des pertes abyssales sur plusieurs exercices, et dont l’ampleur l’avait conduite à dispenser les salariés démissionnaires de leur préavis plutôt que d’avoir à supporter la charge salariale sans pouvoir fournir de mission à des salariés démotivés.

En définitive, la désorganisation d’une entreprise s’apprécie au regard de critère objectifs même lorsqu’il s’agit de recrutement massif.

Références :
Cour de cassation, chambre commerciale, 22 mai 2007 (pourvoi n° 06-13.421, arrêt n° 766 F-D), société Innovex MBO c/ société Arvem – rejet du pourvoi contre cour d’appel de Reims, chambre civile, 1re section, 6 février 2006 –

Extrait : 
« Attendu selon l’arrêt attaqué (Reims, 6 février 2006), que la société Innovex France devenue Innovex – MBO (société Innovex) , société résultant de fusions intervenues en 1999 entre plusieurs sociétés a pour activité la promotion médico-pharmaceutique, au profit des laboratoires par l’intermédiaire de visiteurs médicaux ; que soutenant avoir été victime de concurrence déloyale par détournement de sa clientèle et par le débauchage massif, programmé et sélectif de 59 visiteurs médicaux, 9 directeurs régionaux et deux directeurs de réseaux, orchestré par son ancien salarié, M. X…, au profit d’une société Arvem créée à son initiative et à celle de la société Promedis, le 18 novembre 1999, la société Innovex a assigné la société Arvem, la société Promedis et M. X… en paiement de dommages-intérêts ; que la cour d’appel a donné acte à la société Innovex de son désistement d’action à l’encontre de la société Promedis et rejeté sa demande à l’encontre de M. X… et de la société Arvem ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que la société Innovex fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen :

1 / que l’incitation au débauchage massif des salariés d’un concurrent qui connaît des difficultés, a fortiori lorsqu’il s’accompagne de dénigrements, est constitutif de concurrence déloyale ; que la cour d’appel constate que trois visiteurs médicaux salariés de la société Innovex ont attesté qu’ils avaient été convoqués par leur supérieur hiérarchique, lequel les avait incités à démissionner pour rejoindre la société Arvem en alléguant que la société Innovex connaissait de graves difficultés financières, n’avait plus de client, ne pourrait plus payer les salaires et s’apprêtait à licencier; que deux salariés ont attesté qu’il leur avait été indiqué qu’il leur suffisait de répondre à l’annonce « factice » de Promedis destinée à couvrir le détournement du personnel au profit de la société Arvem et permettant de recruter en toute légalité; qu’elle relève encore qu’un attaché de direction régionale atteste avoir fait l’objet de pressions morales de son directeur régional qui le poussait à quitter la société Innovex en faisant état de critiques et de propos alarmistes sur son avenir ; qu’un autre salarié a prétendu avoir été manipulé et a repris sa démission ; qu’en l’état de ces constatations, la cour d’appel qui se borne à retenir que les salariés avaient décidé de quitter eux-mêmes l’entreprise en raison de difficultés qu’ils connaissaient, sans rechercher si, même à supposer avérées les difficultés financières de la société Innovex, les manoeuvres destinées à faciliter le départ des salariés et à les diriger vers une société concurrente ne constituaient pas une faute ayant contribué à la désorganisation de la société Innovex, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;

2 / que l’incitation au départ des salariés du concurrent, lorsqu’il a pour objet ou pour effet de désorganiser l’entreprise, est constitutive de concurrence déloyale ; que la cour d’appel qui constate que la société Arvem a embauché très rapidement, notamment, 69 visiteurs médicaux sur 130,9 directeurs régionaux sur 10 et 2 directeurs de réseau en provenance de la société Innovex et rejette l’action en concurrence déloyale de cette société, sans rechercher, malgré les conclusions qui l’y invitaient, si le débauchage massif de son personnel suivi d’un transfert de clientèle n’avait pas nécessairement eu pour effet de désorganiser la société Innovex dont deux réseaux essentiels avaient été détruits, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;

Mais attendu, d’une part, que l’arrêt retient que le départ des salariés de la société Innovex était consécutif aux difficultés réelles que connaissait cette société et que les salariés s’étaient déterminés en raison de leurs inquiétudes légitimes en termes d’emploi et compte tenu de la confiance qu’ils nourrissaient en leurs cadres qui leur avaient conseillé cette démission afin de sauvegarder leur emploi, et non en raison d’offres attractives en termes de rémunération ou autres, nullement alléguées ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que le départ des salariés n’était pas consécutif à des manoeuvres déloyales de la part de la société Arvem ou de M. X…, la cour d’appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, d’autre part, que l’arrêt relève que la société Innovex connaissait des difficultés dont la gravité avait une traduction comptable, à savoir des pertes abyssales sur plusieurs exercices, notamment une perte de 38 386 627 francs au 31 décembre 1999 et des difficultés qui donneront lieu dès novembre 1999 à une réunion du comité d’entreprise, et dont l’ampleur l’avait conduite à dispenser les salariés démissionnaires de leur préavis plutôt que d’avoir à supporter la charge salariale sans pouvoir fournir de mission à des salariés démotivés ; qu’il retient que la société Innovex était en proie à de réelles difficultés qui ne sont pas dues au fait de M. X… ; qu’il retient encore que la société Arvem et M. X… ne sont pas à l’origine de la perte de certains de ses clients par la société Innovex ; qu’ayant ainsi fait ressortir que la désorganisation de l’entreprise alléguée par le moyen n’était pas le fait des agissements de la société Arvem ou de son président, la cour d’appel a légalement justifié sa décision.

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