La Cour d’appel de Paris dans son arrêt en date du 2 septembre 2010 condamne un fournisseur à payer 150 000 € de dommages et intérêts à son distributeur exclusif au titre du préjudice résultant de son comportement déloyal.
Rappelons brièvement les faits de l’espèce :
Un fournisseur souhaitait forcer son distributeur à accepter de nouvelles obligations contractuelles.
Son refus froisse le fournisseur qui va, successivement:
- Violer son engagement d’exclusivité en confiant la distribution de ses produits à un concurrent
- Baisser le pourcentage des remises
- Ignorer les délais de livraison
- Occulter le distributeur de son site internet
- Refuser de fournir une formation sur les nouveaux produits à distribuer
- Exiger une caution bancaire de 90 000€ alors que le distributeur, en 17 ans de relation contractuelle, n’a jamais eu aucun problème.
- Et enfin résilier brutalement, en 2005, le contrat de distribution exclusive.
La « période de conflit » qui couvre ces agissements s’étend de 1999 à 2005.
La Cour condamne le fournisseur et fonde sa décision en visant l’article 1134 du code civil.
Il devra indemniser la victime au titre, d’une part, de son comportement déloyal et d’autre part, de la résiliation brutale du contrat.
Cet arrêt d’espèce est remarquable concernant :
- L’application originale qui a été faite de l’article 1134 du code civil dans un contexte où l’application de L.442-6 du code de commerce semblait devoir s’imposer
- Le mode d’évaluation du préjudice subi par le distributeur du fait d’agissements déloyaux
Sur le choix de fonder sa ligne de défense sur 1134 du code civil plutôt que sur L442-6 du code de commerce :
- Pourquoi fonder la prétention du distributeur uniquement sur l’article 1134 du code civil ?
- Pourquoi ne pas invoquer, au surplus, le bénéfice de l’article L442-6 du code de commerce ?
En effet, cet article interdit au « producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers » de tenter d’obtenir des conditions manifestement abusives au détriment de son partenaire.
Le défendeur a peut être considéré que la preuve d’un manquement à une obligation de bonne foi (article 1134 du code civil) était plus aisée à rapporter que celle d’un « abus manifeste » (article L442-6 du code de commerce).
Si une telle application de l’article 1134 du code civil devait être approuvée par la cour de cassation, la mise en œuvre de la responsabilité des partenaires commerciaux en serait grandement facilitée.
Sur le mode d’évaluation relatif aux agissements déloyaux :
Afin de chiffrer l’indemnisation du distributeur, la cour:
- Détermine le résultat d’exploitation qu’il aurait normalement dû atteindre; en l’espèce, la cour prend pour référence le résultat de l’année 2000 où ses bénéfices ont été les plus importants
- Calcule le manque à gagner sur chaque exercice de la « période de conflit » au regard du résultat de référence
- Impute l’ensemble de ce manque à gagner au fournisseur.
Pourtant, le fournisseur prouve que la baisse de l’activité du distributeur était antérieure (1996) aux agissements condamnés (1999). Le lien de causalité n’était donc pas avéré.
Malgré cela, la cour déclare que « cette baisse est en relation directe avec les difficultés rencontrées par le distributeur confronté au comportement déloyal de son fournisseur générant un manque à gagner pour le distributeur ».
Et par conséquent, elle condamne le fournisseur à payer la somme de 150 000 € au titre de ces agissements déloyaux.
La cour envoie un message : la déloyauté génère un manque à gagner.
Sources:
Décision de la Cour d’appel de Paris du 2 septembre 2010 N° 08/01683