« La Cour de Cassation clarifie le débat et donne une réponse plus conforme à la réalité économique ».
La loi Lang, du 10 août 1981, a été au centre de l’actualité jurisprudentielle : plusieurs décisions rendues par la Cour de Cassation concernaient la question complexe des réductions que les détaillants instaurent sur les livres. Rappelons que le système de prix en vigueur depuis 1981 veut que les éditeurs décident d’un prix fixe, imposé à tous les détaillants. Lesquels ne peuvent aller au-delà de réductions de 5 % sur ce prix, sauf cas particulier.
Cette loi est considérée comme sacrée par beaucoup, notamment le récent rapport Attali, sur la libéralisation de la croissance, qui y a rappelé son attachement. Parallèlement, des acteurs tels Leclerc, Alapage ou Amazon, ont soulevé une polémique en remettant régulièrement en cause son suivi.
Il faut d’abord reconnaître à la loi Lang un certain succès : celui d’avoir permis le maintien des libraires indépendants et la large diffusion des œuvres qu’ils éditent. Est-il besoin de rappeler que le monde du disque, où il n’existe à l’inverse pas de prix plancher, a vu disparaître tous ses disquaires indépendants.
Reste néanmoins que la loi, datant de 1981, n’avait pas prévu l’évolution technologique et ses conséquence sur le secteur : l’arrivée de nouveaux acteurs, les libraires en ligne. Un vide juridique les concernant s’est alors fait ressentir.
Lorsqu’ils ont décidé de ne pas faire payer les frais de port – pour avoir des chances égales d’attirer le consommateur, s’est posée la question de savoir si cette pratique ne relevait pas de la vente à prime. Si oui, cette remise était-elle compatible avec l’article 6 de la loi du 10 août 1981 ou la loi L.121-35 du Code de la consommation ?
Les tribunaux ont donc débattu de la qualification à donner à ces frais de port gratuits. La Cour d’Appel les avait en premier lieu considérés comme une prime. Le libraire en ligne étant alors accusé de vente avec prime, puisqu’il y avait « incitation à l’achat consistant à attirer le client en lui offrant la perspective de lui remettre un produit ou un service gratuitement ».
Le 6 mai dernier, la Cour de Cassation a pris le contre-pied de la Cour d’Appel en considérant que la gratuité des frais de port ne constituait une prime au sens ni de la loi Lang, ni du droit de la consommation. La Cour de Cassation vient donc de clarifier le débat sur la compatibilité de certaines offres à la loi. Sa réponse est par là plus conforme à la réalité économique et au développement du commerce en ligne.
Les précédentes décisions – concernant Alapage, mais aussi Amazon – revenaient quant à elle à limiter la liberté économique en allant à l’encontre du progrès et en empêchant les consommateurs de bénéficier des avantages d’Internet. Plus largement, cette jurisprudence nous pousse à nous demander si les législateurs ne devraient pas s’intéresser aux frais postaux dans le cadre de la vente en ligne. Rappelons en effet que la protection instaurée par la loi Lang est une spécificité française.