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Dénigrement par campagne de désinformation dans le secteur pharmaceutique

pharmaceutiue

Dans une décision du 14 mai 2013, l’Autorité de la concurrence condamne un des leaders mondiaux du secteur pharmaceutique, Sanofi-Aventis, à une amende record de 40,6 millions d’euros.

Si ce n’est pas la première fois que l’Autorité de la concurrence sanctionne une pratique de dénigrement par une entreprise en position dominante, surtout dans le contexte du conflit entre les princeps et génériques, le cas d’espèce est ici significatif.

1. UNE NOTION CLASSIQUE DU DÉNIGREMENT…

Traditionnellement, le dénigrement se définit comme le fait de jeter publiquement le discrédit sur une personne, un produit ou service identifié.

Par ce biais, l’acteur économique vise à acquérir un avantage concurrentiel en jetant le discrédit sur son concurrent ou les produits de celui-ci (Cf. Autorité conc., déc. N°09-D-28, 31 juillet 2009, Pratiques de Janssen-Cilag France dans le secteur pharmaceutique).

Le dénigrement peut être sanctionné comme expression d’un abus de position dominante suivant les dispositions de l’article L.420-2 du Code commerce qui dispose que :

« est prohibée(…), l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées 5. »

2. ENTENDUE DE MANIÈRE LARGE PAR L’AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

En l’espèce, l’Autorité de la concurrence considère que le laboratoire français Sanofi-Aventis avait usé de sous-entendus afin d’introduire un doute dans l’esprit des utilisateurs pharmaciens et médecins.

Le laboratoire se serait basé sur un a priori favorable des utilisateurs pour le médicament princeps dont l’efficacité était reconnue. Mettant en avant les différences de composition avec les génériques concurrents, le laboratoire Sanofi aurait laissé l’utilisateur en conclure que ces différences importaient d’un point de vue thérapeutique.

Il est ainsi reproché au laboratoire français d’avoir mis en place une politique de désinformation à destination du public « de la ville ». Cette politique visait à influencer les médecins et pharmaciens afin de favoriser la prescription de ses propres produits, génériques inclus. Pour l’Autorité, le discours de Sanofi-Aventis jetait clairement le doute sur l’efficacité des génériques concurrents de son produit Plavix® et laissait croire que les professionnels engageaient leur responsabilité en cas de problème médical consécutif à la prescription ou délivrance des médicaments de substitution.

Un des arguments de Sanofi-Aventis était l’utilisation par les génériques concurrents d’un sel différent de celui de Plavix® pour fixer le principe actif. Ce type de sel utilisé dans Plavix® restait en fait protégé par un brevet, d’où l’impossibilité d’utiliser le même par les génériques concurrents, or, le groupe pharmaceutique français en avait fait un enjeu de santé publique.

L’Agence nationale de sécurité des médicaments a par la suite précisé que les différences de sels et d’indication des génériques concurrents étaient liées uniquement à des questions de propriété intellectuelle, et non à des questions médicales. Ces différences n’avaient aucune incidence sur la bioéquivalence et la substituabilité des médicaments génériques.

La décision de l’Autorité de la concurrence précise que le discours de Sanofi a joué sur la méfiance des français envers les génériques et ainsi instillé le doute sur la qualité et la sécurité des génériques, sans aucun fondement.

Cette pratique est qualifié de dénigrement ; dénigrement qui aurait freiné de façon substantielle le processus de substitution du princeps par des génériques et entraîné un manque à gagner pour les comptes publics. La perte liée aux économies non réalisées par l’absence de prescription des génériques a ainsi été évaluée à 38 millions d’euros.

Cette pratique a aussi permis à Sanofi-Aventis de bénéficier d’un taux de pénétration exceptionnel pour son propre générique et d’une part de marché quatre fois supérieure à celle détenue habituellement sur le marché des génériques.

C’est dans ces circonstances que l’Autorité de la concurrence a considéré que Sanofi-Aventis avait abusé de sa position dominante sur le marché français du clopidogrel délivré en ville, et avait à ce titre violé l’article L 420-2 du Code de commerce ainsi que l’article 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE).

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Traditionnellement sanctionné sur le terrain de la responsabilité civile délictuelle par les articles 1382 et suivants du Code civil, le dénigrement trouve dans ce cas d’espèce une nouvelle application dans le cadre de l’abus de position dominante.

L’amende record prononcée à l’encontre du laboratoire Sanofi Aventis démontre toute l’importance d’une communication maîtrisée dans un contexte de position dominante et les risques juridiques accrue dans une telle position. Abus de dépendance économique, rupture brutale, refus de vente ou encore discrimination sont en effet autant d’éléments à charge pouvant justifier une sanction particulièrement lourde sur le terrain du droit de la concurrence.

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