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Diffamation sur Internet : vers le retour d’une nécessaire modération

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La Chambre Criminelle de la Cour de Cassation vient de rendre un arrêt important dans la lutte contre les abus de la liberté d’expression sur Internet.
En effet, faisant une application stricte de l’article 93-3 de la loi n°82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, elle vient de casser un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 28 janvier 2009, qui avait relaxé un prévenu des fins de la poursuite du chef de diffamation publique envers Monsieur le Maire de Noisy-le-Grand, aux motifs que sa responsabilité pénale ne pouvait pas être encourue en sa qualité de Directeur de publication du blog.
En l’espèce, le prévenu, Président de l’association de défense des intérêts des habitants des Bas-Heurts-la-Varenne, avait créé un blog contestataire à l’encontre du Maire de Noisy sur lequel les internautes pouvaient déposer des messages, sans fixation préalable ni contrôle à priori de leur contenu par le prévenu.
Logiquement, le prévenu n’étant pas l’auteur des propos litigieux, s’est vu relaxé des chefs de diffamation puisqu’il n’était pas démontré qu’il avait eu effectivement connaissance de ces propos qui n’avaient pas fait l’objet d’une fixation préalable.
Néanmoins, un des moyens développé à l’appui du pourvoi reproche à l’arrêt de la Cour d’appel de ne pas avoir recherché la responsabilité du prévenu, en sa qualité de producteur du blog ; ce dernier ayant pris l’initiative de créer un site de communication audiovisuelle en vue d’échanger des opinions sur un thème défini à l’avance, à savoir la critique de certains choix du Maire de Noisy-le-Grand.
Zoom sur l’article 93-3 de la Loi n°82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, telle que modifiée par la loi n°2009-669 du 12 juin 2009.
Au cas où l’une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication au public par voie électronique, le directeur de la publication ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article 93-2 de la présente loi, le codirecteur de la publication sera poursuivi comme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public.
A défaut, l’auteur, et à défaut de l’auteur, le producteur sera poursuivi comme auteur principal.
Lorsque le directeur ou le codirecteur de la publication sera mis en cause, l’auteur sera poursuivi comme complice.
Pourra également être poursuivi comme complice toute personne à laquelle l’article 121-7 du code pénal sera applicable.
Lorsque l’infraction résulte du contenu d’un message adressé par un internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel, le directeur ou le codirecteur de publication ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s’il est établi qu’il n’avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message.
La Cour de Cassation retient ce moyen en jugeant «qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a alors que, ayant pris l’initiative de créer un service de communication au public par voie électronique en vue d’échanger des opinions sur des thèmes définis à l’avance, Alain Y… pouvait être poursuivi en sa qualité de producteur, sans pouvoir opposer un défaut de surveillance du message incriminé, la cour d’appel a violé le texte susvisé».
S’il applique à la lettre le nouveau texte de loi et s’il est favorable aux personnes victimes de propos diffamatoires et injurieux tenus sur Internet, cet arrêt reste à notre sens critiquable en ce qu’il ne tient pas compte de l’esprit du texte qui se voit vidé d’une partie de sa substance. En effet, l’article 93-3 susvisé, issu de la Loi du 29 juillet 1881.
En effet, une exonération de responsabilité pénale était aménagée pour les directeurs de publication dans les cas où, comme en l’espèce, ces derniers n’ont pas eu effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où ils en ont eu connaissance, il ont agi promptement pour retirer ce message. Ce régime de responsabilité était calqué sur celui des hébergeurs issu de la LCEN.
Or, en l’espèce, le directeur de publication et le producteur semblent se confondre (à supposer toutefois que la qualité de producteur ne soit pas reconnue à l’Association, en tant que personne morale) et par conséquent, la personne physique exonérée de sa responsabilité pénale au titre de directeur de publication (comme étant présumé ne pas avoir été informé du contenu litigieux) verra sa même responsabilité pénale engagée en sa qualité de producteur.
Les producteurs de certains blogs, sites communautaires et autres forums de discussion ont donc du souci à se faire en terme de responsabilité pénale et si cette jurisprudence se confirmait, ces derniers seraient peut-être contraints de repenser à de nouveaux systèmes de contrôle à priori des espaces de discussions qu’ils proposent aux internautes.
L’avenir nous dira à quel point cet arrêt est susceptible de faire évoluer les modèles actuels du Web…
Source :
-Cour de cassation, chambre criminelle, 16 février 2010, N° de pourvoi: 09-81064; Voir le document

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