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Droits de l’employeur et espionnage des salariés : où est la frontière ?

surveillance salarie

Entre droits de l’employeur sur le lieu de travail et droit des salariés au respect de leur « vie privée électronique », la frontière est ténue…

Il s’agissait au départ d’une affaire de concurrence déloyale et détournement de clientèle. Une entreprise avait attaqué un ancien salarié et une société concurrente après avoir fait relever les mails délateurs par constat d’huissier.

Les premiers juges du fond ont considéré que le procès-verbal de l’huissier était un « moyen de preuve illicite » car le constat avait été effectué sans autorisation judiciaire.

La question centrale résidait dans la qualification de la boîte mail de l’ex-salarié. D’après le constat d’huissier, celui-ci disposait sur son poste d’une messagerie électronique Orange consultable directement via le site internet de l’employeur, en son nom. S’agissait-il d’une adresse électronique professionnelle ou personnelle ?

Aucune mention de l’employeur n’était faite dans le corps de l’adresse électronique, ou sur l’icône d’accès.

Les juges du fond avaient considéré qu’une boîte mail qui ne comportait pas le nom de l’entreprise pouvait être présumée personnelle, même si le salarié l’utilisait également à des fins professionnelles. Ils avaient somme toute renversé la présomption originelle.

En effet, une jurisprudence constante pose le principe de la présomption du caractère professionnel des fichiers. Ce n’est que par exception, si le salarié identifie expressément les fichiers comme « personnels » que l’employeur devra les ouvrir en présence du salarié, après l’avoir « dûment appelé ».

Dans l’arrêt de principe Sté Nikon France c/ Onof (Cass. Soc. 2 octobre 2001), un employeur soupçonnait un de ses salariés d’avoir des relations professionnelles parallèles et l’avait licencié après avoir pris connaissance de messages explicites dans sa boîte mail professionnelle. L’employeur avait été condamné pour avoir pris connaissance d’un fichier expressément qualifié de « personnel ».

Le juge avait statué à l’époque que “le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances [et que] l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur.”

Dans notre espèce en date du 16 mai 2013 , la Haute Cour a jugé que « les messages visualisés par l’huissier de justice provenaient de la messagerie électronique mise à la disposition du salarié par l’entreprise », ils n’étaient donc pas identifiés comme étant personnels.

La boîte mail nominative, à partir du moment où elle est fournie par l’employeur, est donc professionnelle, en dépit du fait qu’elle soit utilisée à des fins personnelles par le salarié et ne comporte pas le nom de l’entreprise.

La Cour de cassation rappelle bien ici :

« Les courriels adressés et reçus par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé, sauf si le salarié les identifie comme personnels. »

Ainsi, seuls les messages identifiés comme personnels étaient protégés par le secret des correspondances, et non la boite mail dans son intégralité.

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