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Droits fondamentaux contre le filtrage du web : l’affrontement continu

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Dans ces conclusions publiées le 14 avril 2011, l’Avocat général de la CJUE prend position contre la mise en place de mesures de filtrage et de blocage des communications électroniques par les Fournisseurs d’Accès Internet (FAI).

Selon l’Avocat Général, une telle mise en place porterait atteinte au droit au respect du secret des communications et au droit à la protection des données personnelles protégées par la Charte des droits fondamentaux. Elle constituerait en outre une limitation disproportionnée à la liberté d’information protégée également par cette Charte.

Alors que la réforme HADOPI peine à démontrer en France son efficacité, cette position vient relancer le débat de la mise en place de filtrages intrusif sur la Toile et des dangers de tels systèmes de surveillance vis-à-vis des droits fondamentaux.

L’affaire en cause oppose la Société belge des auteurs et éditeurs« SABAM » et le fournisseur d’accès à internet « SCARLET Extended SA » suite à la constatation d’atteintes au droit d’auteur sur les œuvres musicales appartenant à son répertoire commise par l’intermédiaire du FAI via les réseaux peer-to-peer.

La SABAM a obtenu la condamnation du FAI SCARLET

Utilisant la législation belge qui permet de demander à un juge d’ordonner sous astreinte la cessation de toute atteinte aux droits de propriété intellectuelle, la SABAM a obtenu le 29 juin 2007 la condamnation du FAI SCARLET en sa qualité d’intermédiaire. Cette dernière s’est en effet vue ordonner de faire cesser les atteintes constatées en mettant en œuvre tout moyen « rendant impossible ou paralysant toute forme d’envoi ou de réception par ses clients, au moyen de logiciels peer-to-peer, de fichiers reprenant une œuvre musicale sans l’autorisation des ayants droits ».

La Cour d’appel de Bruxelles saisie de cette décision décide alors de saisir la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) de la question préjudicielle suivante : le droit de l’Union Européenne et en particulier les droits fondamentaux garantis par la Charte de l’Union permettent-ils à une juridiction nationale d’adopter, sous la forme d’une injonction, une mesure ordonnant à un FAI la mise en place d’un système de filtrage et de blocage des communications électroniques.

L’Avocat Général, chargé de remettre à la CJUE une proposition de solution, se prononce contre la mise en place de tels systèmes de filtrage.

Il est ainsi relevé qu’un tel système imposerait la généralisation d’un contrôle pouvant s’étendre à tous les FAI et à tout internaute sans tenir compte de leur Etat de résidence ou de leur lien contractuel ou non avec SCARLET. En effet, les systèmes de filtrage demandés par la SACEM belge ne s’imposeraient pas à des échanges entre seuls abonnés de la Société SCARLET mais à des communications entre ces abonnés et d’autres internautes sans limitation géographique ni contractuelle.

Le contrôle envisagé s’éffectuerait de manière préventive

En outre le contrôle envisagé s’effectuerait de manière préventive c’est-à-dire sans constatation préalable d’atteinte effective ou de risque d’atteinte imminente aux droits d’auteurs. Un tel contrôle a priori impliquerait ainsi une obligation de résultat pour les FAI pour la défense des sociétés de gestion de droit d’auteur et reviendrait à transférer la responsabilité juridique et économique de la lutte contre le téléchargement illégal aux fournisseurs d’accès internet.

Pour l’Avocat Général, ces éléments, qui révèlent la mise en place d’un système intrusif disproportionné, sont de nature à caractériser une atteinte au droit au respect du secret des communications et à la protection des données à caractère personnelles protégés par la Charte des droits fondamentaux.

Observons toutefois que cette position ne constitue pas une condamnation absolue des systèmes de filtrage sur internet.

En effet, dans ses conclusions, l’Avocat Général précise que les mesures de contrôle demandées par la Société de gestion de droit d’auteur Belge pourraient être admissibles s’il existait une base légale nationale accessible claire et prévisible prévoyant spécifiquement ce contrôle ainsi que les garanties associées à celui-ci.

Or, les conclusions soulignent que la base légale belge ne prévoit aucun transfert aux FAI de l’obligation de lutte sur internet contre les téléchargements illégaux. Il n’est en outre prévu aucune garantie permettant aux personnes affectées de contester ou de s’opposer aux mesures de filtrage ou de blocage n’est également prévue.

Loin de s’opposer frontalement à la mise en place de système de filtrage sur internet, les conclusions de l’Avocat Général de la CJUE nous éclairent quant aux conditions requises pour une telle mise en place. Une loi accessible, claire et prévisible prévoyant des garanties pour les personnes visées par le filtrage sera ainsi nécessaire.

Si la délégation d’une telle mission à des Sociétés privées que sont les FAI semble apparaître disproportionnée, en revanche tel pourrait ne pas être le cas de la création d’une autorité administrative indépendante comme l’HADOPI.

Toujours est-il que demeure encrée au centre de ces questions la problématique des conséquences sur les droits et libertés d’un contrôle toujours plus poussé des communications électroniques et plus généralement du cyberespace. Si la protection des libertés ne peut aboutir à ce que le Web se transforme en un instrument de contrefaçon généralisée a contrario la protection des droits de propriété intellectuelle ne peut être le vecteur d’une intrusion illégitime et disproportionnée dans notre vie privée.

Sur cette question nous ne pouvons que retenir les observations finales de Monsieur l’Avocat Générale qui rappelle avec vigueur dans ses conclusions l’importance du débat démocratique pour parvenir à concilier ces exigences impérieuses de liberté et de sécurité

 Source :

Site de europa.ue

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