L’article 6-I-2 de la la Confiance dans l’Economie Numérique (LCEN), qui prévoit que l’hébergeur d’un contenu engage sa responsabilité lorsqu’il n’agit pas promptement pour retirer un contenu manifestement illicite porté à sa connaissance ou en rendre l’accès impossible, n’exige toutefois pas que le contenu soit certainement illicite mais seulement qu’il le soit manifestement.
Dans cette affaire jugée par le Tribunal correctionnel de Brest, la victime de propos diffamatoires et injurieux tenus sur un blog a porté plainte contre l’auteur dudit blog ainsi que contre l’hébergeur de ce blog pour diffamation, injure et atteinte à sa vie privée.
Préalablement à ses plaintes, cette victime de propos portant atteinte à sa considération et à son honneur a mis en demeure l’hébergeur du blog de supprimer lesdits propos en portant ainsi à sa connaissance le caractère illicite de ces derniers.
En effet, rappelons qu’aux termes des articles 6-I-2 et 3 de la LCEN du 21 juin 2004, l’hébergeur d’un blog ou d’un site ne peut voir sa responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d’un destinataire de ses services s’il n’avait pas effectivement connaissance de l’activité ou de l’information manifestement illicite ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible.
Or, malgré le fait que les propos litigieux aient été portés à sa connaissance par la victime desdits propos, l’hébergeur du blog a décidé de maintenir les propos en ligne, estimant qu’il ne lui appartenait pas de se prononcer sur le caractère illicite ou non des contenus publiés portés à sa connaissance.
Le Tribunal correctionnel de Brest sanctionne cette attitude passive et prétendument neutre en soulignant que les termes et expressions injurieuses « guenon », « malade bouffie de haines », « immonde » et les imputations délirantes envers la plaignante accusée pêle-mêle d’être à la tête d’une “bande de criminels” auteurs d’assassinats et de tentatives d’assassinats, de manipuler des “malades mentaux”, d’“éradiquer” les femmes ingénieurs en les faisant harceler et agresser sexuellement par des “troupeaux de malades mentaux”, de l’avoir elle-même et sa mère fait harceler sexuellement par des “malades mentaux”, de vouloir prostituer des femmes ou les faire “violer par des porcs” suffisent amplement à considérer que ces propos portés à la connaissance de l’hébergeur du blog sont dénués de tout fondement et, dès lors, manifestement illicites.
De ce fait, considérant que l’article 6-I-2 de la LCEN n’exige pas que le contenu soit certainement illicite mais seulement qu’il le soit manifestement, le Tribunal condamne l’hébergeur du blog, fautif de ne pas avoir retiré les contenus litigieux malgré la connaissance qu’il en avait, à une amende de 10 000 euros, en sa qualité de complice des délits de diffamation et d’injure poursuivis. Il doit par ailleurs réparer le préjudice subi par la plaignante à hauteur de 5000 euros.
Les hébergeurs de contenus sont prévenus : mieux vaut retirer les contenus qui leur sont signalés dès lors que ceux-ci apparaissent manifestement illicites ; peu importe que ce caractère illicite ne soit pas certain.
A propos de TGI Brest, 11 juin 2013, Source : legalis.net