La société Agatha est titulaire d’une marque figurative consistant en la représentation d’un petit chien scottish-terrier vu de profil pour désigner divers produits en classes 3, 14, 18 et 25.
Marque figurative No. 93496162 (Sté Agatha Diffusion)
La société Agatha a assigné la société René Martin sur le fondement de l’article L 713-5 du Code de la propriété intellectuelle pour avoir commercialisé des colliers et laisses pour chiens comportant un motif se rapprochant du chien enregistré à titre de marque (et ci-avant reproduit).
La Cour d’appel l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes considérant que la preuve d’une atteinte au caractère distinctif de la marque (même de renommée) n’était pas rapportée, pas plus que celle du préjudice prétendument subi par la société Agatha.
La société Agatha a formé un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation a statué en ces termes :
« Mais attendu (…) que la preuve de l’usage d’un signe similaire à une marque antérieure de renommée porte ou risque de porter préjudice au caractère distinctif de cette marque suppose qu’il soit démontré que le comportement économique du consommateur moyen des produits pour lesquels la marque est enregistrée a été modifié consécutivement à l’usage de ce signe ; qu’il incombe au demandeur de rapporter cette preuve ;
(…)que les femmes et les jeunes filles constituaient dans une certaine mesure le public visé tant par la marque de la société Agatha que par les articles commercialisés par la société René Martin, retient que ceux-ci étaient très différents par leur nature, leur destination et leur circuit de distribution de ceux de la société Agatha et que de nombreux produits animaliers étaient décorés de petits chiens de type scottish terrier ; que de ces constatations et appréciations la cour d’appel a pu déduire que le motif de chien stylisé figurant sur les articles de la société René Martin ne diminuait pas la force d’attraction de la marque de la société Agatha auprès de ce consommateur et n’exerçait pas davantage une influence négative sur l’image de cette marque ;
(…) que le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée d’une marque ne pouvant résulter du seul usage d’un signe identique ou similaire à cette marque pour des produits non similaires à ceux pour lesquels cette marque a été enregistrée, la cour d’appel, qui a relevé que la société Agatha, à qui il incombait de rapporter la preuve de son préjudice, se bornait sur ce point à soutenir que la société René Martin avait tiré profit, sans justification (…) »
Cette affaire nous permet de revenir sur l’étendue de la protection des marques de renommée.
Il ressort de l’article L 713-5 du Code de la propriété intellectuelle soulevé par la société Agatha que :
« La reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur « si elle » est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si « cette reproduction ou imitation » constitue une exploitation injustifiée de cette dernière ».
L’atteinte à une marque de renommée peut donc être retenue même en présence de produits et services non identiques sous réserve de rapporter la preuve d’un préjudice.
Toutefois, en droit des marques comme en droit de la responsabilité civile, la charge de la preuve incombe à celui qui allègue les faits litigieux.
En l’espèce, les signes sont « très ressemblants » mais non identiques et la société poursuivie est spécialisée dans les produits animaliers.
La société Agatha ne rapporte pas la preuve d’une atteinte
Dans ce contexte et en présence d’une marque de renommée, si les juges ont pu déduire des éléments de fait que le public visé pouvait être le même (jeune fille et femme aimant les animaux de compagnie ainsi que les accessoires pour ces derniers), la société Agatha ne rapporte pas la preuve d’une atteinte au caractère distinctif de la marque.
Cette atteinte doit en effet être caractérisée en rapportant notamment la preuve d’un risque de modification ou d’une modification dans le comportement économique des consommateurs.
Cette modification de comportement peut traduire un avilissement, un affaiblissement du pouvoir attractif de la marque, une diminution de la valeur économique du signe.
Le risque d’un tel comportement ne semble pas constitué en l’espèce.
En outre, les juges ont également considéré que les produits en cause (produits animaliers et accessoires féminins) n’ont pas la même nature, la même destination, ni le même réseau de distribution.
C’est ainsi que le signe utilisé par la société poursuivie n’était pas de nature à diminuer le pouvoir attractif de la marque de la société Agatha et n’exerçait pas « d’influence négative » sur l’image du scottish terrier de cette dernière.
Enfin et en tout état de cause, il ressort de cette décision que la société Agatha n’apporte aucune justification s’agissant du préjudice qu’elle prétend subir compte tenu de cette imitation litigieuse.
La société Agatha ne semble en effet pas expliquer en quoi la société René Martin aurait tiré profit de la renommée de sa marque.
Bien que la protection d’une marque de renommée soit plus étendue que celle d’une marque ne jouissant pas de la même reconnaissance ni de la même image sur le marché (Cf. Article L 713-5 du Code de la propriété intellectuelle), cette protection accordée par le Code de la propriété intellectuelle ne peut pas ignorer la liberté du commerce et de l’industrie et n’a pas pour objet de priver de manière disproportionnée les concurrents, surtout indirects, dans le cadre de leur activité.
Si une atteinte à une marque de renommée peut être constituée même pour des produits ou des services non similaires, il incombe à son titulaire d’apporter la preuve de son préjudice (atteinte au caractère distinctif de la marque, diminution de sa valeur économique).
Source :
Cass.com. 01 mars 2011, n°10-14967 ; SARL Agatha Diffusion / SA établissement René Martin.