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FACEBOOK face aux juridictions françaises, un chapitre qui s’intitule « compétence »

DIP

La Cour d’appel de Pau, dans un arrêt du 23 mars 2012, a fait fi de la clause attributive de juridiction inscrite dans les conditions générales d’utilisation de FACEBOOK au profit des tribunaux californiens et considère les Tribunaux français compétents pour juger de tous litiges relevant du service que ce réseau social offre.

Alors que la première dame de France emprunte le compte FACEBOOK de son mari en campagne pour s’adresser aux membres du réseau en toute tranquilité, d’autres justiciables se voient opposer un refus de la part de la société californienne d’ouvrir le leur.

Monsieur X., inscrit depuis 2007 sous une adresse électronique, se voit priver en juin 2009 de son compte, et ce sans avertissement préalable. Ce compte sera réactivé par la suite, de manière restreinte, puis désactivé définitivement.

Après plusieurs tentatives avec d’autres adresses e-mail pour ouvrir un compte, ce dernier décide d’assigner la société FACEBOOK devant le juge de proximité de Bayonne qui se déclarera incompétent et le renverra  à mieux se pourvoir.

Pourtant, tel David et Goliath, Monsieur X. ne perdît pas espoir et forma un contredit (voie de recours spécifique contre les décisions statuant sur la compétence en application de l’article 80 du Code de procédure civile).

Ce choix fut heureux puisque la Cour d’appel de Pau lui rendra raison au motif que la clause attributive de juridiction figurant dans les conditions générales de FACEBOOK en 2007 doit être considérée comme réputée non écrite.

Pour cela, elle fonde sa décision sur l’article 48 du Code de procédure civile qui dispose que :

« Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée. »

La Cour constate également que la clause intitulée « Loi applicable : attribution de juridiction » figure en page 12 des conditions générales de FACEBOOK, traduites en français pour les raisons de la cause.

Il était donc nécessaire pour Mr. X de lire en anglais pas moins de 12 pages sur une version papier en format A4 pour prendre connaissance de l’ensemble des dispositions auxquelles FACEBOOK entend le soumettre.

La Cour n’a pas manqué de relever que cette clause était « noyée dans de très nombreuses dispositions dont aucune n’est numérotée. Elle est en petits caractères et ne se distingue pas des autres stipulations ».

Elle relève ainsi la complexité de la lecture des conditions générales et souligne que FACEBOOK ne rapportait pas la preuve que Mr. X maîtrisait la langue anglaise.

Elle tire les conséquences de ses constatations et énonce que cet utilisateur ne pouvait s’être engagé en toute connaissance de cause. Dès lors, la clause attributive de compétence devait être réputée non écrite.

Elle ne se prononce toutefois pas sur la qualité de commerçant ou non de Mr. X. En effet, elle aurait pu potentiellement écarter ladite clause sur ce fondement mais a préféré statuer sur la deuxième condition édictée à l’article 48 du Code de procédure civile.

Cette approche peut alors laisser penser que si FACEBOOK venait à modifier ses conditions générales en rendant cette clause attributive de compétence fortement apparente, cette dernière serait valide.

Toutefois, elle se heurterait à la jurisprudence de la Cour de cassation particulièrement établie en la matière déclarant que toute clause attributive de compétence entre commerçant et non –commerçant est réputée non écrite (CCiv. 1ère, 17 novembre 2011, n° pourvoi : 10-25765).

En réalité, la Cour d’appel de Pau a certainement préféré anticiper les futurs litiges pouvant naître avec des commerçants et FACEBOOK.

Afin de déterminer la juridiction compétente, les juges du second degré font application de l’article 46 du Code de procédure civile :

« Le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur :

– en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation de service ; »

FACEBOOK contestant la qualité de « services » à ses prestations en raison de leur gratuité, la Cour d’appel de Pau a du s’employer à démontrer qu’il n’en était rien.

En effet, elle relève qu’en acceptant les conditions générales, Monsieur X autorisait le traitement et l’exploitation des données informatiques, « source très importante du financement » des activités de FACEBOOK. Il existait donc bien une contrepartie financière à l’offre de FACEBOOK même si cette dernière est indirecte.

Il y a donc lieu de faire application de l’article 46 du Code de procédure civile et constatant que FACEBOOK « assure à distance et par voie électronique, la fourniture de services en France d’une manière stable et durable à destination d’internautes français », elle déclare les juridictions françaises compétentes pour juger de ce litige.

Cette décision conforte la jurisprudence déjà établie et confronte les sociétés américaines aux dispositions impératives françaises. Avec plusieurs millions d’utilisateurs en France, l’enjeu de cette affaire pourrait s’avérer crucial pour FACEBOOK qui, rappelons-le, est en passe d’être introduite en bourse.

 Naturellement, si Mr. X a obtenu gain de cause sur la compétence, il lui faudra s’armer de patience car il n’est qu’au début d’une histoire dont le nombre de chapitres peut être important.

Sources :

C. MANARA, « Facebook n’est pas ami avec le Code de procédure civile français »,  Dalloz actualité 16 avril 2012 ;

Le Parisien, 18/04/2012: http://www.leparisien.fr ;

Journal du net: http://www.journaldunet.com ;

http://www.legalis.net .

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