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Fonctionnalité « Google Suggest » : vers une irresponsabilité de Google ?

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La Cour de Cassation dans un arrêt du 19 juin 2013 déclare GOOGLE irresponsable des résultats de son service « Google Suggest » dans le cadre d’une procédure pour injure.

La Cour rappelle en effet que l’article 29 de la loi sur la liberté de presse suppose la démonstration de l’intention de nuire ; intention non démontrée en raison du caractère automatique et technique de cette fonctionnalité.

Déduire de cette décision une irresponsabilité globale de GOOGLE pour « Google Suggest » serait toutefois un raccourci trop rapide tant l’insécurité juridique pèse sur cette question.

Rappelons pour mémoire que depuis septembre 2008, le moteur de recherche GOOGLE offre une fonctionnalité dénommée « Google Suggest » proposant aux internautes qui effectuent une recherche, un menu déroulant de propositions comportant une liste de requêtes possibles à partir des premières lettres du mot qu’ils ont saisies, ainsi qu’une fonctionnalité qui, sous le titre « recherches associées », affiche d’autres propositions de recherche supposées proches de la requête initiale.

La question de la responsabilité de Google lorsque les suggestions « automatiques » portent atteinte à l’honneur ou à la considération d’un tiers a rapidement était posée.

Ainsi dès 2009, le TGI de Paris avait statué sur l’association par la fonctionnalité « Google Suggest » du nom d’une société avec le terme « arnaque » dans la barre de recherche. Le caractère automatique du système avait été rejeté, les juges voyant dans la possibilité de signaler les suggestions indésirables un moyen de contrôle par Google et de tri préalable entre les requêtes enregistrées. Les juges avaient somme toute assimilé le procédé de sélection de Google à une « modération a priori d’un forum de discussion ».

La question de l’injure et de la diffamation de l’expression répertoriée par « Google Suggest » avait été examinée davantage dans des décisions ultérieures, notamment par la Cour d’Appel de Paris qui avait décidé que « le fait de faire apparaître le terme « escroc » associé à une raison sociale dans la barre de requête constitue une injure publique ».

Cette décision vient toutefois d’être cassée par la Cour dans son arrêt du 19 juin 2013.

La première Chambre civile considère en effet « Qu’en statuant ainsi, quand la fonctionnalité aboutissant au rapprochement critiqué est le fruit d’un processus purement automatique dans son fonctionnement et aléatoire dans ses résultats, de sorte que l’affichage des « mots clés » qui en résulte est exclusif de toute volonté de l’exploitant du moteur de recherche d’émettre les propos en cause ou de leur conférer une signification autonome au-delà de leur simple juxtaposition et de leur seule fonction d’aide à la recherche, la cour d’appel a violé les textes» .

Cette décision met en exergue le principe d’interprétation stricte des restrictions à la liberté d’expression et oppose l’intention de nuire au processus automatique de la fonctionnalité litigieuse.

Rappelons en effet que l’alinéa 2 de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit l’injure comme « toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ». Ici, la Cour ne s’attarde pas sur le caractère injurieux de l’expression « escroc » au sens de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 mais sur l’intention de nuire du moteur de recherche.

En l’espèce, la fonctionnalité « Google Suggest » est définie par la Cour comme un processus purement automatique exclusif de toute volonté de GOOGLE d’émettre les propos litigieux. En d’autres termes, GOOGLE n’a pas eu l’intention de nuire au plaignant et ce défaut d’intention s’oppose à la condamnation du moteur de recherche sur le terrain des infractions de presse.

La Cour d’appel avait pourtant laissé la porte ouverte à l’engagement de la responsabilité de GOOGLE en s’appuyant sur son pouvoir de contrôle concernant les résultats et suggestions proposées. Il était avancé que le moteur de recherche était en mesure d’intervenir pour éviter les dommages liés aux fonctionnalités de son système.

Il est donc possible de s’interroger sur la portée de cette décision au regard du régime « d’irresponsabilité » de GOOGLE. Cette irresponsabilité n’est-elle pas en effet relative et simplement limitée aux actions visant des infractions pénales impliquant la démonstration d’une intention de nuire ?

Par exemple, GOOGLE ne pourrait-il pas être considéré comme responsable en cas d’absence de prompte réaction de sa part à la notification d’une suggestion illicite hébergée par son service dans le cadre d’actions intentées sur un autre fondement que ce cas d’espèce ?

En effet, cette affaire révèle que les suggestions sont générées automatiquement par le service « Google Suggest ». Mais elle révèle également que GOOGLE dispose d’un pouvoir de supprimer a posteriori telles ou telles suggestions portant atteinte aux droits des tiers.
Or, qu’il s’agisse du régime des hébergeurs, ou de celui des producteurs, plusieurs textes spécifiques existent pour encadrer un devoir de suppression en cas de notification… Ces régimes prévoient en outre l’engagement de la responsabilité de l’hébergeur ou du producteur qui n’a pas promptement procédé à la suppression du contenu notifié comme illicite.

Ainsi cet arrêt du 19 juin 2013 ne saurait à notre sens être interprété comme instaurant une irresponsabilité totale de GOOGLE pour les contenus publiés via son service « Google Suggest ».

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