Les moteurs de recherche sont soumis à la Loi Informatique et Libertés du 6 Janvier 1978.
Le 28 Octobre 2010, le Tribunal de Grand instance de Montpellier a condamné Google Inc. à supprimer l’indexation de données privées.
Il convient de rappeler brièvement les faits de l’espèce :
Marie C. a joué dans un film pornographique à l’âge de 18 ans. Aujourd’hui institutrice, elle s’aperçoit que la saisie de différents mots clés dans le moteur de recherche Google renvoie directement ou indirectement vers son ancienne vidéo.
N’ayant jamais consentie à la numérisation et à la diffusion de la vidéo, elle demande au moteur de recherche de supprimer les index permettant l’accès aux sites hébergeant sa vidéo.
Google reste inactif. En conséquence, Marie C. se fonde sur l’article 809 alinéa 1 du code de procédure civile afin de demander au juge des référés de faire cesser le trouble manifestement illicite qu’elle subie.
Google oppose à la demanderesse que :
- Selon l’article 6-I-2 de la Loi pour la confiance en l’économie numérique, la responsabilité d’un moteur de recherche ne peut être engagé que si celui-ci a connaissance du caractère illicite des pages web ce qui n’est pas avéré en l’espèce.
- Le moteur de recherche n’est pas l’éditeur des pages web et n’a donc pu procéder à un traitement illégal de données personnelles.
- La suppression générale demandée est matériellement impossible.
Afin de comprendre cette difficulté technique, il convient de rappeler le mode de fonctionnement d’un moteur de recherche :
- Des « Bots » (programmes informatiques) parcourent les sites automatiquement et à intervalles réguliers afin de découvrir de nouvelles adresses (dites « URL »).
- Ces « Bots » suivent les liens hypertextes (qui relient les pages les unes aux autres) présent sur chaque page atteinte.
- Chaque page ainsi identifiée est alors indexée dans une base de données, accessible ensuite par les internautes à partir de mots-clés.
Dans ce contexte, la décision de ne pas désindexer des sites contenants une vidéo litigieuse engage t’elle la responsabilité du moteur de recherche ?
On pourrait opposer que le moteur de recherche n’a pas à jouer le rôle de censeur. Et comment peut-il apprécier le bien fondé de la demande de désindexation ? Comment lui demander de trancher alors que seules les juridictions en ont la compétence?
L’intérêt majeur de l’ordonnance est de proposer une réponse à ces questions.
Cette réponse se fonde sur l’application de la Loi « informatique et libertés.
Le juge des référés déclare que l’indexation des pages Web et leurs mises à disposition aux internautes est un acte de détermination des finalités et des moyens d’un traitement de données à caractère personnel.
En conséquence, le moteur de recherche est soumis aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 dite « informatique et libertés ».
Cette loi dispose, en son article 38 alinéa 1:
« Toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement. »
En clair, Google, en tant que responsable du traitement de données à caractère personnel doit aménager la possibilité d’un retrait de ces informations quand celui-ci lui est demandé.
Cette décision permet de délimiter le champ des obligations du moteur de recherche.
Il n’a pas l’obligation de désindexer les sites hébergeant un média causant un préjudice.
En revanche il est forcé de répondre aux demandes de personnes concernant le traitement de leurs données à caractère personnel.
Quant à l’impossibilité matérielle de procéder à la désindexation des sites litigieux, l’argument est écarté par le juge.
« Il appartient à la société Google Inc., qui dispose des moyens techniques appropriés au regard de la nature même de son activité, de rechercher elle-même les adresses URL précises des résultats de ses moteurs de recherches ».
Il convient tout de même de limiter la portée de cette ordonnance de référé.
En effet, Google a interjeté appel de celle-ci.
Affaire à suivre…
Source :
Jugement du Tribunal de Grande Instance du 28 octobre 2010.