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Impressions (3D) sur le rapport du CSPLA

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Par Jean-Philippe SOUYRIS et Aline YVON 
En juillet 2015, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA)[1] a mandaté une commission de réflexion sur l’impression 3D et le droit d’auteur constituée de représentants des administrations et des sociétés de gestion collective de droits d’auteurs et droits voisins, de juristes et d’ingénieurs.
A l’issue de cette réflexion, la commission, a établi un rapport publié en juin 2016 intitulé « l’impression 3D et le droit d’auteur : des menaces à prévenir, des opportunités à saisir ».
Ce rapport, mené à l’initiative du ministère de la culture et de la communication, est né du constat qu’il n’existait pas d’étude particulière concernant les différentes questions soulevées par l’impression 3D au regard des questions de propriété littéraire et artistique, en particulier quant au risque de contrefaçon.
Afin d’introduire son propos, la commission fait ressortir un phénomène de démocratisation récente de l’impression 3D. En effet, grâce à l’expiration de plusieurs brevets sur les trois principaux procédés de fabrication 3D, de nouvelles entreprises ont vu le jour et ont pu commercialiser et offrir des imprimantes 3D au grand public.
A la lecture du rapport, s’il existe un risque de contrefaçon des droits d’auteur sanctionné par les principes de droit commun, celui-ci paraît limité. Pourtant, la commission préfère émettre quelques préconisations pour l’avenir.
 
Un risque de contrefaçon des droits d’auteur limité
La commission estime qu’il n’existe pas, à ce jour, de problème massif de violation de droit d’auteur. En effet, elle considère qu’à ce stade, l’hypothèse de réseaux professionnels qui produiraient de manière industrielle des séries de contrefaçons d’œuvres protégées afin de les commercialiser est peu probable.
De plus, qu’il s’agisse d’impression par des particuliers ou d’impression à distance, l’activité de reproduction d’objets protégés par le droit d’auteur reste à ce jour marginale.
Le rapport conclut sur ce point que le phénomène de fabrication par impression 3D de copies d’œuvres protégées par le droit de la propriété littéraire et artistique affecte principalement le domaine des arts plastiques.
Selon l’avis de la commission, les risques majeurs de violation du droit d’auteur dépendent à moyen terme des intermédiaires professionnels. En effet, le prix de l’imprimante à l’achat et le coût des consommables peuvent s’avérer dissuasifs pour les particuliers.
La commission déduit de ces éléments qu’il parait peu probable que l’imprimante 3D devienne un équipement courant des ménages. Aussi, le risque de contrefaçon des droits d’auteur apparaît par voie de conséquence limité. On peut s’étonner de cette prise de position tant les applications de l’imprimante 3D personnelle, aujourd’hui essentiellement ludiques, sont diverses. L’avenir conduira peut être les membres de la commission à revoir leur position sur ce point.
 
La sanction de la contrefaçon par les principes de droit commun
La commission ne paraît pas s’inquiéter des reproductions illicites des objets créés par l’impression 3D.
Bien au contraire, elle indique que les principes de droit commun de la propriété littéraire et artistique existants permettent de suffisamment sanctionner la contrefaçon en matière d’impression 3D.
Le droit d’auteur protège les objets-sources mais aussi les fichiers 3D voire les objets imprimés eux-mêmes.
L’impression 3D est susceptible de porter atteinte au droit d’auteur c’est-à-dire aux prérogatives qui le composent : le droit patrimonial et les droits moraux de l’auteur.
D’une part, les droits patrimoniaux de l’auteur lui confèrent un monopole d’exploitation.
A ce titre, l’auteur bénéficie d’un droit de reproduction de son œuvre tel qu’il est prévu à l’article L.122-3 du Code de la propriété intellectuelle[2] .
En d’autres termes, les décisions de réplication d’un objet à l’aide d’une imprimante 3D ou de numérisation d’un objet 3D appartiennent à l’auteur.
D’autre part, la commission considère que le droit moral de l’auteur, c’est-à-dire le droit qui garantit à ce dernier le respect de son œuvre,  le droit à la paternité de l’œuvre et le droit de divulgation, peut être remis en cause par le processus d’impression 3D réalisé par un tiers.
En conséquence, les différents acteurs de l’impression 3D qui contreviendraient aux droits d’auteur peuvent voir engagée leur responsabilité en cas d’actes de reproduction ou de représentation illicites.
 
Les préconisations du rapport
Dans un premier temps, la commission estime qu’à court et moyen termes, le principal enjeu est de renforcer l’implication des intermédiaires professionnels en matière de respect du droit d’auteur.
Afin de réaliser cet objectif, la commission avance l’idée de concevoir des mesures techniques de protection efficaces sur le modèle des mesures mises en place dans l’industrie du cinéma et audiovisuelle par exemple.
Ces mesures viseraient à empêcher ou limiter les utilisations non autorisées des œuvres par des titulaires de droit.
Pour ce faire, le rapport propose que le ministère de la culture et le ministère de l’industrie, dans le cadre du Comité national anti-contrefaçon (CNAC)[3], incitent les titulaires de droit tant dans le domaine de la propriété littéraire et artistique que dans celui de la propriété industrielle à collaborer avec les laboratoires et fabricants compétents en vue de concevoir des mesures techniques de protection.
Ensuite, la commission préconise d’une part, de prévoir l’affichage systématique dans les logiciels de numérisation en 3D d’un appel pédagogique au respect de la propriété intellectuelle et d’autre part, d’élaborer des documents pédagogiques permettant de sensibiliser les intermédiaires du secteur de l’impression 3D.
De plus, le rapport estime qu’il est indispensable de renforcer la responsabilité des plateformes d’échange de fichiers 3D en ligne en matière de contrefaçon lorsqu’elles ont un rôle actif leur conférant une connaissance ou un contrôle des fichiers stockés.
En effet, ces plateformes, sous couvert d’un statut d’hébergeur issu de la directive du 8 juin 2000[4], voient leurs responsabilités limitées alors qu’elles pourraient avoir eu connaissance des faits de contrefaçon.
Enfin, le rapport considère qu’il est indispensable, pour prévenir efficacement la contrefaçon, qu’une offre légale d’impression 3D soit développée. Cette préconisation repose sur l’idée que le particulier qui souhaitera réaliser l’impression d’une œuvre pourra y parvenir sans enfreindre la loi tout en créant une nouvelle source de revenu pour l’auteur.
 
En conclusion
La commission reste prudente concernant les conséquences juridiques futures du développement de l’impression 3D.
Cette dernière considère finalement qu’il existe un risque réel que la technologie d’impression 3D soit utilisée pour créer des moules facilitant la production de contrefaçons.
Pour conclure, le présent rapport invite à prendre les mesures législatives nécessaires telles que proposées par la commission, afin de pouvoir faire face le moment venu, à la multiplication des produits contrefaits issus de l’impression 3D.
La menace d’une production massive de biens contrefaits imprimés en 3D est-elle réelle ? Seul l’avenir nous le dira.
En tout état de cause, ces craintes ne doivent pas freiner l’évolution de cette technologie ou ses projets d’applications, bien que les questions juridiques qu’ils soulèvent doivent faire l’objet d’une étude particulière pour sécuriser leur conformité aux droits des tiers.
 
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[1]Le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) est une instance consultative chargée de conseiller le ministre de la culture et de la communication en matière de propriété littéraire et artistique. Le CSPLA constitue également un observatoire de l’exercice et du respect des droits d’auteur et droits voisins, il a donc pour vocation de répondre aux nouvelles questions posées aux droits d’auteur et droits voisins par l’essor de l’internet et du numérique.
[2]  L’article L.122-3 du Code de la propriété intellectuelle indiqué dans le rapport précise que « La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l’œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte
[3] Le Comité national anti-contrefaçon (CNAC) créé en 1995 organise et met en place la lutte contre la contrefaçon et  l’échange d’informations et de bonnes pratiques. Il réunit des fédérations industrielles et artistiques, des associations professionnelles, des entreprises et les administrations concernées par la lutte anti-contrefaçon. Pour plus d’informations, voir le site web : http://www.cnac-contrefacon.fr/cnac/
[4]  Ici, il est fait référence à  la Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique»). Cette directive a été transposée en droit interne par la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) qui prévoit à son article 6 le statut d’hébergeur.

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