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Inapplicabilité de la loi Informatique et Libertés à l’Autorité de la concurrence

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La Cour d’appel de Versailles a rendu, le 19 février dernier, une décision qui donne un éclairage intéressant sur la conduite à tenir, tant du côté des agents d’administrations comme l’autorité de la concurrence que des personnes visitées, lors d’un contrôle effectué dans les locaux professionnels d’une entreprise.
En effet, le juge a analysé de manière exhaustive tout le déroulé du contrôle afin de répondre de façon complète, à une exception près qui fera l’objet des développements suivants, aux griefs soulevés par le requérant.
Il ressort de cette décision que toutes des garanties importantes en termes de descriptions des éléments saisis, du respect des droits de la défense, du secret des correspondances et de secret professionnel ont été prises lors des opérations de contrôles avec notamment la remise d’une copie des documents numériques saisis ou encore la présence de trois avocats pendant la visite.
Cependant, la décision, par ailleurs très motivée, balaie rapidement sans le développer, le dernier grief de la requérante à savoir que les documents saisis constituent un traitement de données à caractère personnel au sens de la loi du 6 janvier 1978.
Le juge, en effet, s’est contenté d’affirmer «que les saisies de documents informatiques réalisées le 5 mai 2009 et autorisées judiciairement sur le fondement de l’article L 450-4 du code de commerce, ne constituent pas un traitement de données à caractère personnel au sens de la loi du 6 janvier 1978».
A notre sens, il convient d’examiner cette question de manière plus approfondie afin d’envisager quelques conséquences juridiques de deux hypothèses : les saisies constituent un traitement de données à caractère personnel au sens de la loi Informatique et Libertés ou ces saisies ne constituent pas un tel traitement.

  • Hypothèse dans laquelle les saisies constituent un traitement de données à caractère personnel

La loi du 6 janvier 1978 définit, en son article 2, un traitement à caractère personnel comme «toute opération ou tout ensemble d’opérations portant sur de telles données, quel que soit le procédé utilisé, et notamment la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, ainsi que le verrouillage, l’effacement ou la destruction
En l’espèce, il est constant qu’a minima, des opérations de collecte, de conservation, de consultation, sont effectuées par les agents de l’autorité de concurrence lors de la saisie des documents papiers et numériques se trouvant dans l’entreprise contrôlée.
On peut également estimer que, parmi ces documents, certains contenaient des données à caractère personnel, notamment les correspondances électroniques qui permettent de savoir qui est l’expéditeur et qui est le destinataire.
Dans cette hypothèse, en présence d’opérations de traitements portant sur des données à caractère personnel, la loi informatique et libertés trouverait à s’appliquer pourvu que la condition de territorialité soit remplie.
Concernant, la territorialité, l’article 5 de la loi du 6 janvier 1978 prévoit que seuls sont soumis à la loi Informatique et Libertés les traitements de données à caractère personnel dont le responsable est établi sur le territoire français ou un traitement dont les moyens mis en œuvre sont sur le territoire français et dont le responsable est établie au sein de l’Union Européenne.
En l’espèce, le responsable de traitement, si l’on considère qu’il s’agit de l’Autorité de la concurrence, est établi en France. La loi Informatique et Libertés trouverait donc à s’appliquer pour les saisies qu’elle opère.
Les conséquences juridiques sont multiples et notamment :

– En principe, la personne dont les données sont traitées doit donner son accord pour le traitement, sauf si ces opérations entrent dans le cadre de «l’exécution d’une mission de service public dont est investi le responsable ou le destinataire du traitement» (article 7 Loi 6 janvier 1978) ce qui peut être considéré comme étant le cas en l’espèce.

– Les personnes dont les données sont traitées bénéficient de certaines droits prévus aux articles 38 et suivants de la loi du 6 janvier 1978 dans certaines conditions comme l’accès réglementé aux données traitées aux termes de l’article 41 de la loi.

– Le responsable du traitement est tenu d’effectuer les formalités préalables aux termes de l’article 22 de la loi du 6 janvier 1978. Cependant, cette formalité de déclaration a priori, est difficile à mettre en œuvre en l’espèce puisque les agents de l’autorité de la concurrence ne peuvent pas toujours savoir avant le début des opérations la nature des données qui seront traitées.

  • Hypothèse dans laquelle les saisies ne constituent pas un traitement de données à caractère personnel

Dans le cas, on l’on considère que les saisies ne constituent pas un traitement de données à caractère personnel, comme en l’espèce, les conséquences juridiques sont moins nombreuses mais le fondement de cette interprétation fait débat.
Il est en effet difficile de justifier ce point de vue. Il peut néanmoins être rapproché de celui que la Cour d’appel de Paris (CA Paris 1er février 2010) a adopté, suite à une décision de cassation (Cass. Crim. 13 janvier 2009), concernant les opérations de constatations des agents des sociétés de gestion collective. En effet, les magistrats ont considéré qu’ils n’y avaient pas de traitement automatisé de données puisque «qu’en l’espèce l’adresse “IP » de l’ordinateur du prévenu ne figurait pas ou n’était pas appelée à figurer dans un fichier, cette dernière n’étant contenue que dans le seul procès-verbal dressé par l’agent assermenté, lui-même contenu dans le dossier afférent à la présente affaire nécessaire au suivi de la procédure»
Ce raisonnement pourrait être appliqué à l’espèce et expliquerait la solution du juge versaillais.
Cette décision permet de comprendre la complexité d’appliquer la loi du 6 janvier 1978 et souligne qu’il peut être nécessaire de repenser cette loi qui pose des principes fondamentaux qui sont parfois malaisés à mettre en pratique.
Sources:
-CA Versailles 19 février 2010 : legalis.net
-CA Paris 1er février 2010 : legalis.net
-Cass. Crim. 13 janvier 2009 : legalis.net

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