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L’auteur face à l’arithmétique judiciaire

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La chambre criminelle de la Cour de Cassation, dans un arrêt du 18 janvier 2011 se prononce sur les modalités d’évaluation du préjudice découlant d’une atteinte aux droits moraux. En ce sens, elle affirme que « la réparation de l’atteinte aux droits moraux dont jouit l’auteur de toute œuvre de l’esprit ne peut être évaluée indépendamment du nombre d’actes de contrefaçon commis ».

Un bref rappel des faits de l’espèce s’impose :

En octobre 2002, une information des chefs de contrefaçon et de complicité est ouverte à l’encontre d’auteurs de téléchargements illégaux et de créateurs de sites proposant des logiciels contrefaisants. Condamnés en première instance, les contrefacteurs interjettent appel. La cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 26 février 2010 confirme le jugement et retient comme réparation du préjudice d’ordre extrapatrimonial subi par le titulaire des droits (la société Microsoft) la somme de 15 euros.
Selon la cour d’appel, l’atteinte aux droits moraux de l’auteur d’une œuvre de l’esprit constitue « la violation d’un principe ».
Le « principe » violé étant unique, il n’y aurait pas lieu d’apprécier le préjudice subi au regard du nombre de contrefaçons réalisées. La somme forfaitaire de 15 euros suffirait à couvrir ce type de préjudice.
La chambre criminelle de la cour de cassation désapprouve les juges du fond sur ce point.

« Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors que la réparation de l’atteinte aux droits moraux dont jouit l’auteur de toute œuvre de l’esprit ne peut être évaluée indépendamment du nombre d’actes de contrefaçon commis, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés »

Selon l’article 10 du code de procédure pénale, le juge pénal, ayant à connaitre des intérêts civils nés d’une infraction, doit se prononcer en fonction des règles du droit civil.  En l’espèce, Il convient d’écarter les dispositions de l’article L 331-3-1 du code de la propriété intellectuelle qui n’étaient pas en vigueur à l’époque des faits.
Ces dispositions, protectrices des victimes de contrefaçon, leurs offrent le choix entre :
• la méthode circonstanciée comprenant les « conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée », les « bénéfices réalisés par le contrefacteur » et le « préjudice moral ».
•  la méthode forfaitaire correspondant à un montant « qui ne peut être inférieur(e) » à ce qui aurait été dû par le contrefacteur s’il était passé par les voies légales.
L’arrêt de la Cour s’inscrit dans le même mouvement protecteur. Elle affirme que le « nombre d’actes de contrefaçon » joue un rôle déterminant dans l’évaluation du préjudice de la société MICROSOFT. Autrement dit, elle prend en compte le bénéfice et la gravité de la faute du contrefacteur. Il s’agit de tout prendre compte afin de lutter efficacement contre les fautes lucratives.
Sources :
A.CHAVENT-LECLÈRE Le caractère punitif de la réparation de l’atteinte aux droits d’auteurs Procédures n° 4, Avril 2011, comm. 143.
Cour de cassation, chambre criminelle, 18 janvier 2011 (pourvoi n° 10-83.956) – cassation partielle de cour d’appel Versailles, 26 février 2010 (renvoi devant la cour d’appel de Paris).
Contrefaçon d’une œuvre de l’esprit Responsabilité civile et assurances, 2011, n° 4, avril, commentaires, § 138, p. 19,

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