Le Conseil constitutionnel, saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée pour les associations French Data Network, La Quadrature du Net et la Fédération des fournisseurs d’accès à internet associatifs, vient de rendre sa décision.
Celle-ci portait sur le décret d’application du 24 décembre 2014 de l’article 20 de la Loi relative à la programmation militaire, définissant la procédure applicable à l’accès aux données de connexion détenues par les opérateurs de télécommunications électroniques. Ce décret avait suscité quelques réactions médiatiques a posteriori car il avait été pris un soir de réveillon. Face aux accusations de manœuvres politiciennes, les évènements du mois de janvier dernier avaient relativisé la polémique.
Les associations citées, à l’origine de la QPC, demandaient l’annulation du décret pour excès de pouvoir. En effet, elles estimaient que les articles L.246-1 à L.246-5 du Code de la sécurité intérieure portaient atteinte au droit au respect de la vie privée, au droit à un procès équitable et à la liberté de communication.
Ces articles donnent à l’administration la possibilité de recueillir des informations et des documents auprès des intermédiaires techniques de l’Internet, principalement à des fins de sécurité nationale, dans les conditions et limites fixées par la loi.
A ce titre, peuvent notamment être récoltées des « données de connexion », c’est-à-dire, les numéros d’abonnement ou de connexion d’une personne, la localisation de l’ordinateur utilisé, la liste des numéros de téléphone entrant et sortant, ainsi que la durée et la date de ces communications.
Selon les associations, l’absence de mesure et garantie spécifique de nature à protéger l’accès aux données de connexion des avocats et des journalistes porteraient atteinte :
- au droit au respect de la vie privée,
- à la liberté d’expression et de communication,
- au droit de la défense,
- au droit à un procès équitable,
- au droit au secret des échanges et correspondance des avocats,
- au droit au secret des sources des journalistes.
Toutefois, telle n’a pas été la position du Conseil Constitutionnel pour qui les articles L. 246-1 et L. 246-3 du code de la sécurité intérieure sont conformes à la Constitution puisque les données de connexion ne peuvent en aucun cas porter sur le contenu des correspondances échangées ou des informations consultées dans le cadre de communications électroniques, « le législateur a suffisamment défini les données de connexion, qui ne peuvent porter sur le contenu de correspondances ou les informations consultées ».
En outre, les autorités administratives ne peuvent pas accéder directement au réseau des opérateurs dans le cadre de la procédure prévue aux articles L. 246-1 à L. 246-3 du code de la sécurité intérieure, c’est pourquoi le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence dans la définition des termes relatifs à l’accès aux données de connexion.
Le Conseil Constitutionnel précise « qu’il incombe au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et des infractions, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d’autre part, l’exercice des droits et des libertés constitutionnellement garantis ».
Le législateur a prévu en l’espèce des garanties suffisantes afin que les articles L. 246-1 et L. 246-3 ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée, au droit de la défense et au droit à un procès équitable, y compris pour les avocats et les journalistes.
En effet, le Conseil Constitutionnel rappelle qu’aux termes de l’article 226-13 du code pénal : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».
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