Une lettre adressée par les époux X. à l’employeur de Monsieur Y. décrivait ce dernier comme une personne « impliquée pénalement » et qui n’aurait plus dû, à ce titre, travailler pour cet employeur afin d’en préserver son image.
Monsieur Y., victime de cette missive, a alors intenté une action afin de voir son préjudice réparé sur les fondements de l’article 1382 du Code civil.
Les juges du fond ont accepté la demande en qualifiant de tels propos de « dénonciation téméraire » caractérisant une faute dont Monsieur Y. était fondé à demander réparation au vu des dispositions de l’article 1382 du Code civil.
Pour ce faire, les juges ont estimé que cette lettre avait été émise dans le but de nuire alors que les faits dénoncés ne rentraient pas dans la sphère professionnelle de la société qui employait Monsieur Y..
Sous le visa des articles 29 de la loi du 29 juillet 1881 et 1382 du Code civil, la Cour de cassation, saisie d’un pourvoi formé par les défendeurs, casse l’arrêt rendu, estimant que les abus à la liberté d’expression encadrés et sanctionnés par la loi sur la liberté de la presse, tels que les propos litigieux de l’espèce, portent atteinte à la considération de la personne qualifiant ainsi le délit de diffamation et ne peuvent dès lors être réparés sur le fondement de l’article 1382 du Code civil (Cass., 1ère Civ., 6 mai 2010, n° de pourvoi 09-67624).
La Cour de cassation relève ici deux points essentiels :
– la violation de la loi du 29 juillet 1881 qui prévaut à l’exclusion de toute autre disposition en matière de liberté d’expression ;
– l’application erronée par les juges du fond de l’article 1382 du Code civil, lequel constitue la pierre angulaire en matière de responsabilité délictuelle ;
La Cour a en effet estimé que la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse était d’application exclusive, l’article 29 de la loi définissant la diffamation dans les termes suivants :
« Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. »
Cette décision réaffirme la position non équivoque adoptée par la Cour de cassation dans un arrêt en date du 12 juillet 2000 par lequel l’Assemblée Plénière effectua un revirement remarqué, posant ainsi le principe plus restrictif selon lequel les abus à la liberté d’expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur les fondements du Code civil (Cass, Ass. Plé., 12 juillet 2000, n°pourvoi 98-11155).
En effet, une jurisprudence constante avait longtemps fait prévaloir une large applicabilité de l’article 1382 du Code civil en la matière.
Cet arrêt du 6 mai 2010 illustre cette récente impossibilité définie par la Cour de cassation d’utiliser la faute civile pour aller au-delà des limites à la liberté d’expression définie par la loi du 29 juillet 1881.