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Le fichier « Mes documents » sur un ordinateur professionnel n’est pas privé

dossier

A propos de Cass. Soc. 10 mai 2012, Pourvoi n°11-13884

Les faits 

Un salarié, occupant un poste d’attaché technico-commercial est licencié par son employeur pour faute grave au motif qu’il a utilisé de manière détournée son ordinateur professionnel en enregistrant dans un fichier intitulé « Mes documents » différentes photographies à caractère pornographique et des vidéos de collègues prises contre leur volonté.

Un licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse

Le Conseil des Prud’hommes et la cour d’appel de Nîmes saisis du dossier jugent le licenciement de ce salarié sans cause réelle et sérieuse et allouent en conséquence à ce dernier diverses indemnités pour licenciement abusif.

Les magistrats du fond estiment en effet que le droit au respect de la vie privée (consacré par l’article 9 du code civil) que détient chaque salarié, y compris sur son lieu de travail, a été violé par l’employeur qui a accédé au poste informatique de son salarié, et fait ouvrir hors sa présence un dossier intitulé « Mes documents » présent sur son disque dur ; cet accès à un dossier « personnel » hors la présence du salarié n’étant « justifié par aucun risque ou événement particulier justifiant l’atteinte portée à sa vie privée, leur découverte ne pouvait justifier le licenciement ».

La dénomination « Mes documents » ne suffit pas à conférer un caractère personnel au fichier concerné

La cour de cassation casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Nîmes et renvoie les parties devant celle d’Aix-en-Provence.

En effet, elle considère que la Cour d’appel de Nîmes a violé l’article 9 du Code civil en « statuant comme elle a fait, alors que la seule dénomination « Mes documents » donnée à un fichier ne lui confère pas un caractère personnel ».

A ce titre, elle rappelle qu’en dehors des fichiers personnels identifiés comme tels par le salarié, les fichiers créés par ce dernier à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail « sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé ».

Cette jurisprudence s’inscrit dans le droit fil de la jurisprudence établie par la Chambre sociale de la Cour de Cassation qui présume que tout fichier créé, envoyé ou reçu par un salarié depuis le poste de travail mis à sa disposition par son employeur a, par principe, un caractère professionnel.

Seule l’identification non équivoque du caractère personnel des fichiers peut ébranler cette présomption et interdire à l’employeur d’y avoir accès hors la présence du salarié.

Une pierre à l’édifice jurisprudentiel

Toutefois, si le principe est celui rappelé par la Cour de Cassation dans le cas d’espèce :

« les fichiers créés par ce dernier à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail « sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé »,

il n’en demeure pas moins que d’autres limites ont été fixées par la Haute juridiction dans l’exploitation des contenus de fichiers présumés professionnels pour sanctionner les salariés.

Ainsi, dans son arrêt du 5 juillet 2011, la Cour de cassation a jugé que « si l’employeur peut toujours consulter les fichiers qui n’ont pas été identifiés comme personnels par le salarié, il ne peut les utiliser pour le sanctionner s’ils s’avèrent relever de sa vie privée », dès lors que chaque salarié a droit, même au temps et au lieu du travail, au respect de l’intimité de sa vie privée (Cass. Soc. 5 juillet 2011, Pourvoi n°10-17284).

En outre, à supposer que les fichiers révèlent l’existence de contenus sans liens avec l’activité professionnelle et ne relevant pas de la vie privée du salarié, la cour de cassation a déjà eu l’occasion de censurer un arrêt ayant retenu une cause réelle et sérieuse de licenciement d’un salarié en raison de la présence sur son poste de travail d’images à caractère pornographique en considérant que « la seule conservation sur son poste informatique de trois fichiers contenant des photos à caractère pornographique sans caractère délictueux ne constituait pas, en l’absence de constatation d’un usage abusif affectant son travail, un manquement du salarié aux obligations résultant de son contrat susceptible de justifier son licenciement » (Cass. Soc. 8 décembre 2009, 08-42.097).

Conclusion : définir les règles dans une Charte Informatique

Ces jurisprudences rappellent en tout état de cause à chacun (employeurs et salariés) ses obligations et devoirs et mettent en évidence la nécessité de définir en amont, au sein de chartes d’entreprise, les règles d’utilisation des moyens informatiques mis à disposition des salariés, les moyens d’accès de l’employeur aux postes informatiques de ses salariés (notamment en cas d’absence prolongée de ces derniers) et les sanctions encourues en cas de non respect de ces règles.

La rédaction d’une charte Informatique et Libertés poursuivra un triple objectif de transparence et de sensibilisation des salariés sur les règles à respecter dans l’usage des outils informatiques mis à leur disposition ; prévenant ainsi bien des soucis d’interprétation ultérieurs…

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