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Les footballeurs ont le droit de critiquer leur entraîneur !

foot

« Il manque de cohérence et de diplomatie, il salit les joueurs pour laver sa responsabilité » et « Je juge mes conditions de travail discriminatoires »… Ces termes tenus par un joueur professionnel à l’égard de son entraîneur et publiés dans les media ne constituent pas une faute pouvant caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La liberté d’expression consacrée

En ces périodes de tension pour les clubs professionnels en lutte pour le maintien en ligue 1, où dissensions entre joueurs, entraîneurs, présidents et supporteurs se multiplient, l’arrêt rendu par la Cour de cassation vient rappeler que la liberté d’expression et son corollaire, la liberté d’opinion (même critique), sont des piliers et des chiens de garde de la démocratie consacrés par de nombreux textes à valeur constitutionnelle voire supra-constitutionnelle.

L’article 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme (ci-après CESDH) énonce notamment que « l’exercice de ces libertés (liberté d’expression et d’opinion) comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique ».

Même dans l’entreprise, l’employeur ne peut apporter à l’exercice de cette liberté (comme toute autre liberté individuelle) de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché (article L. 1121-1 du Code du travail).

Comme tout citoyen – et comme tout salarié – un joueur de football professionnel est donc en droit de critiquer ouvertement son entraîneur dans la presse dès lors que cette critique reste mesurée et intervient dans un débat d’idées et de conflit sur les choix et le rôle de chacun dans les résultats du club et les performances collectives ou individuelles du joueur.

L’absence d’abus dans la critique

En l’espèce, le joueur ne supportait pas de ne plus faire partie des plans de son entraîneur et même d’être critiqué par ce dernier dans la presse (l’entraineur jugeant que son joueur orgueilleux et égocentrique n’avait plus le niveau de la ligue 1).

Une fois n’est pas coutume, le joueur décidait de rompre avec la langue de bois et de critiquer à son tour son entraîneur sur ses méthodes (problèmes de cohérence et de diplomatie) et sur sa part de responsabilité dans les résultats du club.

La Cour de Cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel de Reims qui a jugé la rupture du contrat de travail à durée déterminée du joueur pour faute grave abusive.

Cet arrêt consacre ainsi la liberté d’expression du salarié qui reste en droit d’exprimer des opinions critiques à l’encontre de son employeur et de ses « supérieurs hiérarchiques » dans le cadre de débats polémiques par presse interposée.

L’employeur tentait ici de faire valoir que le joueur professionnel, de par son statut, serait soumis à une « obligation de loyauté lui interdisant d’adopter un comportement de nature à discréditer l’autorité de l’entraîneur sur le groupe professionnel et, par suite, à déstabiliser ce dernier ».

L’argument est balayé par la Cour qui considère que de telles considérations ne sauraient justifier des restrictions proportionnées visant à interdire à un joueur de football de critiquer le comportement et les méthodes de son entraîneur dans la presse.

La Cour retient des critères classiques en matière de diffamation, d’injure ou de dénigrement en considérant que le joueur n’a pas abusé de sa liberté d’expression au motif que les propos reprochés s’inscrivent dans une polémique médiatique.

Depuis longtemps, la Haute Cour admet en effet que des critiques parfois virulentes et acerbes se justifient lorsqu’elles interviennent dans le cadre de débats polémiques (qu’ils soient de société, politiques, sociaux, économiques). En effet, c’est dans le cadre de tels débats que la liberté d’opinion doit trouver à s’exprimer sans restrictions disproportionnées et injustifiées dans une société démocratique.

En revanche, si de telles critiques apparaissent admissibles, les propos tenus ne doivent pas constituer un abus de la liberté d’expression, en ce qu’ils seraient diffamatoires, injurieux, ou bien encore en qu’ils s’inscriraient dans une vaste de campagne de dénigrement des produits de l’entreprise, par exemple.

Face à la célérité de la diffusion des informations sur Internet, un des moyens pour les employeurs d’encadrer la liberté d’expression de leurs salariés est de définir au sein de Chartes de bonne conduite des règles d’utilisation de l’Internet et de la messagerie électronique au sein de l’entreprise et de prévoir contractuellement des restrictions dans les contrats de travail (clauses de confidentialité) justifiées par le poste des salariés et proportionnées par rapport au but recherche (préservation du secret de fabrique, du savoir-faire…).

Source :

A propos de Cass. Soc. 28 avril 2011 (Pourvoi n° H 10-30.107, Arrêt n°987), disponible sur le site legifrance.gouv.fr.

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