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"Les juges français suggèrent à Google de revoir ses aides aux recherches"

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Dans un jugement du 8 septembre 2010, le Tribunal de Grande Instance de Paris vient d’ouvrir une nouvelle brèche en condamnant pour diffamation le Directeur de publication de Google.fr et Google Inc. en raison de propositions litigieuses diffusées via les fonctions « Google Suggest » et « Recherches Associées ».
Un certain Monsieur X, impliqué dans une affaire de corruption de mineure et condamné par un arrêt de la Cour d’Appel de Paris non définitif du 5 février 2010 à trois ans d’emprisonnement avec sursis et 50.000 euros d’amende, a fait constaté les faits suivants.
Lorsque les internautes saisissaient son nom dans la barre de recherche du moteur Google la fonction « Google Suggest » proposait dix suggestions associant le nom de Monsieur X à « viol », « condamné », « sataniste », « prison » et la fonction « Recherches Associées » proposait quant à elle une association du nom de Monsieur X aux termes « viol », violeur » ou encore « condamné », c’est-à-dire des propositions légèrement différentes que celles de la fonction « Google Suggest ».
Monsieur X a donc mis en demeure Google de procéder à la suppression de ces propositions.
Pour la Société Google et son Directeur de publication, la neutralité technologique du moteur de recherche s’oppose à tout engagement de responsabilité, précisant que « les résultats affichés dépendent d’un algorithme basé sur les requêtes des autres utilisateurs sans aucune intervention humaine (…) [et que] l’ordre des requêtes est entièrement déterminé par le nombre d’internautes ayant utilisé chacune des requêtes, la plus fréquente apparaissant en tête de liste ».
Le Tribunal ne suivra pas cette analyse en observant que la neutralité prétendue des fonctionnalités en cause n’est pas démontrée par Google. Pour motiver cette décision, les premiers jugent considèrent que :

– la différence des résultats entre les deux fonctionnalités démontre qu’ils ne résultent pas seulement des requêtes antérieures.(l’absence de résultats bruts basés uniquement sur le nombre de requêtes)

– un service concurrent de même nature mis en place par Yahoo ne conduit pas à des résultats identiques

– l’objet même des fonctions est de diriger les internautes dans leur recherche, cette orientation de curiosité étant à l’origine d’un « effet boule de neige d’autant plus préjudiciable à qui en fait l’objet que le libellé le plus accrocheur se retrouvera ainsi plus rapidement en tête de liste »

– un note produite par Google dans une précédente affaire démontre que certaines suggestions sont triées en amont pour éviter les termes « qui pourraient offenser un grand nombre d’utilisateurs » ;

– le site google.fr invite les internautes à signaler « les requêtes qui ne devraient pas être suggérées »,ce qui démontrerait qu’une intervention humaine est possible.

Ce qui laisse penser que les deux services ne reposent pas, comme il est soutenu, sur un pur calcul algorithmique neutre exclusivement basé sur le nombre brut des requêtes des internautes, lequel devrait alors offrir des résultats identiques,
Google invoque alors la protection de la liberté d’expression mais en vain, le Tribunal observant que « la suppression éventuelle de tel ou tel des thèmes de recherche proposés ne priverait aucun d’entre eux de la faculté de disposer, mais à leur seule initiative et sans y être incité par quiconque, de toutes les références indexées par le moteur de recherches correspondant à telle association de mots avec tel patronyme ou telle raison sociale de leur choix ».
Pour tenter de faire obstacle à sa responsabilité de directeur de publication, le représentant de Google invoque l’absence de fixation préalable des propositions litigieuses en application de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982. Cet article dispose en effet que :

« Au cas où l’une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication au public par voie électronique, le directeur de la publication ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article 93-2 de la présente loi, le codirecteur de la publication sera poursuivi comme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public ».

Pour le Tribunal, les procédés mis en place par Google pour anticiper les éventuelles requêtes des internautes et le fait que les suggestions sont issue d’une base de données et d’un algorithme dont Google est à l’origine démontre la fixation préalable en l’espèce.
Dès lors, le Tribunal retient la responsabilité du directeur de publication ainsi que la responsabilité civile de la Société Google Inc. sur le terrain de la diffamation en considérant que « prises séparément, et plus encore associées les unes aux autres, [les suggestions litigieuses] constituent ainsi, au moins par insinuation, des faits précis susceptibles de preuve et évidemment de nature à jeter l’opprobre sur qui en est l’objet ».
Google est condamné à supprimer les suggestions litigieuses sous astreinte de 500 euros par manquement constaté outre 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Cette décision fera vraisemblablement l’objet d’un appel de la Société Google qui voit une nouvelle fois sa responsabilité engagée alors qu’elle pensait pouvoir exclure tout risque en se cachant derrière la neutralité technologique de ses services. Cette décision pourrait être rapprochée de l’épisode judiciaire qui a conduit Google le 14 septembre dernier à mettre un terme à la protection des marques sur la régie Adword et d’opter pour une démarche passive.
En effet, les efforts de Google pour contrôler en amont l’utilisation de ses propres services semblent constituer des éléments sur lesquels les Tribunaux s’appuient pour engager plus facilement la responsabilité du moteur. Le géant du Web en tirera-t-il les mêmes conclusions que pour les Adwords en supprimant tout contrôle des suggestions sous couvert de libéralisation et de neutralité technologique ?
Affaire à suivre.
Source : Legalis.net, pour voir la décision cliquer ici

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