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Les poubelles saisies par le droit

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La Cour Suprême du Canada dans un arrêt du début du mois d’avril 2009 a décidé qu’un trafiquant d’ecstasy « a renoncé à son droit au respect de sa vie privée quand il a déposé ses ordures en vue de leur ramassage à l’arrière de sa propriété, à un endroit où tout passant avait accès aux ordures en question. »
Dans cette affaire, en effet, un dealer avait saisi la Cour Suprême pour faire reconnaitre que des policiers canadiens avaient bafoué son droit au respect de la vie privée en fouillant régulièrement ses sacs poubelles déposés sur la chaussée en vue de leur ramassage afin de constituer des preuves que l’homme fabriquait de la drogue chez lui. Cependant la Cour Suprême ne l’entendait pas de cette oreille et constate que « l’appelant avait accompli tous les gestes nécessaires afin de se défaire de ce que contenaient les sacs, y compris tout renseignement de nature privée s’y trouvant ». Elle déduit de ce constat que « ces gestes étaient incompatibles avec le maintien de l’affirmation d’un droit au respect de sa vie privée garanti par la Constitution ».
En France, le statut des poubelles et des déchets s’y trouvant est semblable à la position canadienne mais connaît cependant quelques subtilités
La principale similarité concerne la collecte, par les policiers, des déchets dans les poubelles mises sur la voie publique pour les produire comme preuve. Dans un arrêt du 9 mars 1994, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation a définit la perquisition comme « la recherche à l’intérieur d’un lieu normalement clos, notamment au domicile d’un particulier, d’indices permettant d’établir l’existence d’une infraction ou d’en déterminer l’auteur ».
Ce critère de lieu clos a été appliqué par la même chambre dans une affaire du 14 septembre 2004 à propos d’un nouveau-né vivant et de diverses autres preuves trouvés par un tiers dans les poubelles à côté du domicile d’une femme souffrant d’hémorragies vaginales.
La Cour de cassation avait alors conclu que qu’il n’y avait pas eu de perquisition illicite et que la preuve était donc recevable puisqu’elle était sur la voie publique et ramassée par un tiers.
Un premier élément est donc donné sur le statut de la poubelle et des déchets qui s’y trouvent : une fois placés sur la rue, ils ne sont plus dans le domicile de la personne et peuvent donc être recueillis sans perquisitionner. Un autre élément de qualification est fourni sur la qualité des objets se trouvant dans une poubelle dans une autre affaire

Il s’agissait d’un ancien salarié qui avait versé aux débats une lettre déchirée et reconstituée que son chef d’entreprise avait jetée dans sa corbeille à papier. Le salarié avait soutenu que la lettre déchirée et jetée était donc une chose abandonnée (res derelictae) et qu’il pouvait donc la prendre sans crainte de qualification pénale. Mais la Cour d’appel, confirmée par la Cour de cassation, énonce que cette prise de possession s’analyse en un vol de la chose d’autrui puisque la preuve n’était pas rapportée de la volonté de son propriétaire de s’en défaire. Un déchet n’est donc pas forcément abandonné, il faut en établir la preuve.
Enfin et contrairement à l’arrêt de la Cour Suprême du Canada, la France peut avoir une vision plus large de la vie privée puisqu’il a été jugé par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 30 mars 1995, que le fait de dressé l’inventaire, dans un journal, du contenu de la poubelle d’une personnalité au lendemain des fêtes constituait une attente à l’intimité de la vie privée telle que protégée par l’article 9 du Code civil. Les déchets même placés sur la voie publique, sont perçus comme un prolongement de la personnalité de la personne les jetant et la publication de leur inventaire prohibé.
La qualification de nos poubelles et de nos déchets est donc purement factuelle et dépend de nombreux facteurs : intérêt pour le débat judiciaire ou simple voyeurisme de la vie des people, notamment.

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