Diffamation et droit du travail ne sont, a priori, pas des notions allant immédiatement de paire dans l’esprit collectif. Pourtant, la diffamation non publique a souvent été invoquée par des salariés dans des affaires de licenciement pour motif personnel.
Tel est le cas dans la décision rendue par la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 25 mars 2014, l’affaire mettant en scène un ancien salarié face à son employeur.
En effet, Monsieur X, salarié, a reçu le 18 juillet 2011 une lettre recommandée avec accusé de réception, adressée à son nom seul et l’informant de son licenciement, notamment en invoquant des faits de harcèlement sexuel, faits finalement non retenus contre lui. Suite à cela, Monsieur X a déposé plainte contre son employeur, Monsieur Y, pour diffamation non publique.
Après la relaxe de ce dernier et la confirmation du jugement par la Cour d’appel de Versailles, Monsieur X s’est donc pourvu en cassation, et cela pour deux raisons : d’une part, pour faire infirmer l’arrêt d’appel en ce qu’il l’avait débouté de sa demande de condamnation de Monsieur Y pour diffamation non publique et, d’autre part pour que soit infirmée sa condamnation à verser la somme de 1500 euros à Monsieur Y au titre des frais exposés pour le litige et non remboursés par l’Etat.
Il appartenait dès lors à la chambre criminelle de la Cour de cassation de décider si une lettre de licenciement telle qu’en cause en l’espèce pouvait constituer un acte de diffamation non publique et si, le cas échéant et par voie de conséquences, le plaignant devait ou non verser une indemnité à l’accusé relaxé.
Et c’est bien de cette façon que les juges suprêmes ont opéré, en scindant leur raisonnement en deux phases distinctes.
Dans un premier temps, la Cour rappelle le principe qui est que « les imputations diffamatoires contenues dans une correspondance personnelle et privée visant seul le destinataire de la lettre qui les contient ne sont punissables sous la qualification de diffamation non publique que si ladite lettre a été adressée dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel ».
Or, Monsieur X faisait valoir que la lettre ne pouvait être considérée comme confidentielle dans le sens où celle-ci avait du être produite en justice devant le Conseil des Prud’hommes suite à l’action contre le licenciement.
Malgré cela, la chambre criminelle a décidé que la lettre n’avait pas été envoyée de façon excluant toute notion de confidentialité en se fondant sur le fait que l’employeur avait adressé son courrier au seul destinataire, qui l’a directement reçue.
Ainsi, les juges suprêmes ont affirmé qu’une lettre personnelle de licenciement ne pouvait être attaquée du chef de diffamation non publique et que sa production en justice ne faisait pas obstacle à son caractère confidentiel.
Puis dans un second temps, la Cour est revenue sur une question de procédure pénale. En application de l’article 800-2 du code de procédure pénale, lorsque l’intéressé le demande, toute juridiction prononçant un non-lieu, une relaxe ou un acquittement peut accorder à la personne poursuivie une indemnité au titre des frais non payés par l’Etat et exposés par celle-ci.
En principe, l’indemnisation est à la charge de l’Etat mais la juridiction peut toutefois ordonner qu’elle soit mise à la charge de la partie civile, lorsque l’action publique a été mise en mouvement par cette dernière et à condition que la décision soit fondée sur réquisition du procureur de la République et motivée.
En l’espèce, Monsieur X a été condamné à payer la somme de 1500 euros selon cet article, ce qu’il contestait. Les juges lui ont, sur ce point, donné raison au motif que, contrairement aux prescriptions légales, le jugement ne mentionnait pas les réquisitions du ministère public et n’était, par conséquent, pas motivé.
Dès lors, cette décision, qui ne casse l’arrêt de la Cour d’appel que concernant la condamnation de Monsieur X à payer l’indemnisation, vient énoncer qu’une lettre de licenciement adressée personnellement à l’employé en cause ne peut être attaquée pour diffamation non publique.
En outre, cela met en exergue qu’il est parfois difficile d’obtenir gain de cause dans des litiges relatifs à des licenciements dans d’autres tribunaux que ceux des prud’hommes. Difficile certes mais pas impossible, sur d’autres terrains toutefois !Vous souhaitez en savoir plus ? Cliquez ici