Alors même qu’elle est entrée en vigueur le 1er mars 2012, la loi relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle n’a pas encore fini de faire parler d’elle.
Dans sa décision du 19 décembre 2013, le Conseil d’Etat a en effet estimé que la question de la conformité de cette loi avec les droits et libertés garantis par la Constitution présentait un caractère sérieux et a donc décidé de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) invoquée devant elle au Conseil constitutionnel.
Cette loi controversée permet en effet l’exploitation numérique des livres indisponibles, c’est-à-dire celle de tout « livre publié en France avant le 1er janvier 2001 qui ne fait plus l’objet d’une diffusion commerciale par un éditeur et qui ne fait pas actuellement l’objet d’une publication sous une forme imprimée ou numérique » (article L. 134-1 du Code de la propriété intellectuelle).
La loi accorde alors aux auteurs des livres concernés la possibilité d’exercer un droit d’opposition ou de retrait dans un délai de 6 mois à compter de l’inscription de ces œuvres dans une base de données accessible au public placée sous la responsabilité de la Bibliothèque nationale de France.
En d’autres termes, la loi permet aux sociétés de gestion de droits collective de remettre en vente les livres inscrits au sein de cette base de données dans le cadre d’une commercialisation numérique, sauf à ce que les auteurs ou leurs ayants-droit ne s’y opposent dans les conditions prévues par la loi .
C’est ce qui pose question au Conseil d’Etat eu égard notamment au droit de propriété consacré par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen.
En effet, classiquement, le droit d’auteur repose sur le principe selon lequel il appartient au seul auteur d’une œuvre de décider a priori d’une nouvelle diffusion de son œuvre. Or la loi de 2012 renverse cette logique puisqu’elle pose une présomption d’autorisation préalable de l’auteur qui dispose néanmoins d’un droit d’opposition enfermé dans un délai très court.
Cette logique d’opt-out, violemment critiquée par les auteurs et considérée par certains comme une « législation du piratage », ne fait donc pas l’unanimité, même si les sociétés de gestion de droits d’auteur sont en principe censées défendre précisément les droits des auteurs et notamment leur droit de propriété dont ils ont la gestion.
Il est ainsi tout à fait compréhensible que la question de la conformité de ce dispositif au regard de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ait été renvoyée au Conseil constitutionnel.