Dans un arrêt du 5 juillet 2016, la Cour de cassation considère que la longévité et le succès de commercialisation d’un ourson ne peuvent suffire seuls à caractériser un détournement du savoir-faire et des efforts humains et financiers répréhensible au titre de la concurrence déloyale.
Si le savoir-faire n’est pas susceptible d’appropriation en soi, il peut être protégé par l’intermédiaire d’autres moyens tels que l’action en concurrence déloyale.
En effet, la jurisprudence a déjà eu l’occasion de sanctionner le détournement du savoir-faire d’une entreprise sur le fondement de l’article 1382 du Code civil (Cass. civ. 1ère, 13 décembre 2005, n° pourvoi : 03-21.154).
Ici, la Cour de cassation apporte des précisions quant aux éléments d’appréciation pouvant être retenus par les juges du fond pour caractériser une telle action.
En l’espèce, la société A. reprochait à une grande marque de luxe la commercialisation d’un ourson prétendument identique au sien.
La Cour d’appel a relevé que :
« la longévité de la commercialisation de l’ourson « Balou » et le chiffre d’affaires dégagé par celle-ci, attestant du succès de cette création, permettent de considérer que la société […] est fondée à se prévaloir de la création d’une valeur économique, née de son savoir-faire ainsi que des efforts humains et financiers qu’elle a déployés, lui procurant un avantage concurrentiel »
Elle a donc condamné la marque de luxe au motif que :
– L’Ourson litigieux dénommé « Trick Sirio » s’adresse à une clientèle commune, a les mêmes fonctions et est évocateur de l’univers ludique de l’enfance ;
– Elle bénéficie du prestige de sa marque lui procurant un avantage concurrentiel supplémentaire.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel en ce que le détournement du savoir-faire et des efforts humains et financiers consentis par la société A « ne pouvaient se déduire de la seule longévité et du succès de la commercialisation de l’ourson litigieux ».
En d’autres termes, la Haute juridiction refuse que les juges du fond se fondent uniquement sur la longévité d’un produit ou encore son succès commercial pour caractériser un détournement du savoir-faire.
Cette prise de position peut se comprendre dès lors que le savoir-faire a été défini comme « une connaissance technique, transmissible mais non immédiatement accessible au public et non brevetée » (Mousseron J.M., Le know-how, JCP E 1972, suppl. no 1).
Soumettre le savoir-faire uniquement à un caractère de temporalité ou à une condition de succès commercial reviendrait à exclure la connaissance technique.
A suivre ce raisonnement, tous les produits connus depuis de nombreuses années et dégageant un chiffre d’affaire important pourraient être protégés au titre du savoir-faire.
Il convient donc de saluer cette décision qui a le mérite d’éviter cet écueil et de mettre sur le devant de la scène la notion juridique de savoir-faire, trop souvent délaissée parce qu’elle est le parent-pauvre de notre règlement.
Cela a changé depuis peu avec l’adoption le 15 juin 2016 de la directive UE 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation dont l’objectif est de revaloriser le travail des entreprises et les informations qu’elle détiennent.
Désormais, l’entreprise détient de nouveaux moyens pour :
– lutter contre des concurrents indélicats et,
– consolider ses accords de divulgation de savoir-faire vis-à-vis de ses partenaires.
Pour tout renseignement complémentaire, n’hésitez pas à contacter le cabinet HAAS Avocats.