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L’utilisation d’informations relatives à la clientèle constitue un abus de confiance

FICHIERS CLIENTS

Alors que la jurisprudence antérieure exigeait que le bien détourné ait une valeur marchande pour caractériser le délit d’abus de confiance, désormais la Cour de cassation reconnaît que les informations relatives à la clientèle constituent un bien susceptible d’être détourné.

A ce jour, si la jurisprudence admettait que l’abus de confiance pouvait porter sur des biens incorporels (CCrim, 21 Septembre 2011, n° pourvoi : 11-80.305), elle refusait de réprimer le détournement d’informations relatives à une clientèle commerciale.

L’entreprise était donc dépourvue de tout fondement juridique pour poursuivre pénalement les personnes subtilisant des informations clients et les utilisant pour leur propre compte ou pour celui d’un tiers.

Fallait-il en conclure pour autant que les auteurs de détournements d’informations bénéficiaient d’une totale impunité ?

La Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 16 novembre 2011 réponds par la négative.

En l’espèce, une société reprochait à un de ses directeurs régionaux d’avoir détourné sa clientèle pour le compte d’une société concurrente gérée, qui plus est, par un de ses anciens salariés.

Elle a donc naturellement porté plainte, et a choisi pour fondement juridique l’abus de confiance.

Elle s’est malheureusement heurtée aux juges du fond qui ont considéré que « la clientèle n’est pas un bien susceptible d’être détourné » et qu’« en l’absence de soustraction d’un fichier, l’usage des moyens matériels mis à la disposition des personnes mises en examen ne peuvent être constitutifs du délit d’abus de confiance ».

Il suffisait à la Cour de cassation de déclarer que les informations relatives à la clientèle constituaient un bien ayant une valeur marchande pour entrer en voie de cassation et remettre en cause la décision des premiers juges.

 

L’abus de confiance

L’abus de confiance est défini par l’article 314-1 du Code pénal comme :

« le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé ».

A ce titre, il n’est pas inutile de rappeler que l’abus de confiance est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.

Cette infraction est la plus fréquemment reconnue en matière de détournement de données immatérielles dans la mesure où il n’existe aucun fondement juridique particulier et que les fondements traditionnels présentent de nombreuses limites.

A titre d’exemple, le vol exige la soustraction d’un support physique (comme un classeur, un ordinateur …), à l’exception d’une décision récente et marginale qui a sanctionné le vol de données numériques en dehors de tout support matériel (Tribunal correctionnel de Clermont Ferrand, 26 septembre 2011).

L’intrusion dans un système de traitement de données automatisé suppose également que l’auteur du détournement ne soit pas habilité à y accéder, ce qui n’était pas le cas en l’espèce du directeur régional.

En l’espèce, la Cour de cassation a décidé d’ouvrir cette infraction aux informations relatives à la clientèle, objet du détournement. Il n’est donc plus nécessaire que le détournement ait pour objet un fichier informatique sur lequel figuraient ces informations ou encore qu’il porte sur l’écrit d’un contrat lorsque ses stipulations sont visées (Cass Crim, 1er décembre 2010, n°09-88478).

 

La clientèle : un objet juridique non identifié

La qualification juridique de la clientèle a été construite progressivement, au gré de la jurisprudence.

Réticente à reconnaître que la clientèle puisse faire l’objet d’un marchandage, la jurisprudence a alors placé celle-ci hors du commerce (Cass. 1re civ., 7 févr. 1990 : Bull. civ. 1990, I, n° 38), mais afin de préserver la valeur des clientèles civiles, elle a admis rapidement la validité d’un droit de présentation de la clientèle (CA Paris, 29 déc. 1847 : S. 1848, 2, p. 64). Le droit de présentation avait donc une valeur patrimoniale.

Puis opérant un revirement en 2007, la Cour de cassation a fini par reconnaître la valeur patrimoniale de la clientèle civile (Cass. 1re civ., 7 nov. 2000 : Bull. civ. 2000) puis de la clientèle commerciale dans un second temps (CEDH, 26 juin 1986, Van Marle et a. c/ Pays Bas).

En l’espèce, la chambre criminelle, comprenant que les informations sur la clientèle ont une valeur patrimoniale tout comme la clientèle en elle-même  affirme, à raison, qu’elles  « constituent un bien susceptible d’être détourné ».

En effet, nul ne peut contester que certaines informations internes à l’entreprise, sans être relatives à la clientèle, possèdent en elle-même une valeur patrimoniale.

A ce titre, on peut relever avec intérêt que l’Assemblée nationale ait adopté le 23 janvier 2012, en première lecture, une proposition de loi visant à sanctionner la violation du secret des affaires qui, espérons-le, couvrira de manière plus large toutes informations détenues par une entreprise.

Toutefois, il suffit de lire le projet de loi pour s’apercevoir qu’il ne prévoit pas l’hypothèse dans laquelle l’information aurait été remise avec l’accord de l’entreprise :

« Le fait de révéler à une personne non autorisée à en avoir connaissance, sans autorisation de l’entreprise ou de son représentant, une information protégée relevant du secret des affaires de l’entreprise, pour toute personne qui en est dépositaire ou qui a eu connaissance de cette information et des mesures de protection qui l’entourent, est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende »

La question reste donc entière en ce qui concerne les informations non relatives à la clientèle. Conviendra t-il donc de faire appel à la qualification pénale d’abus de confiance pour réprimer toute personne détournant une information remise à titre précaire par son employeur ?

Sources :

  • Cass Crim 1er décembre 2010, n°09-88478
  • Cass. 1re civ., 7 mars 1956, D. 1956
  • CEDH, 26 juin 1986, Van Marle et a. c/ Pays Bas
  • Civ. 1re, 7 nov. 2000, Bull. civ. I, n° 283 ; D. 2002
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