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Œuvre audiovisuelle à l’épreuve de la mésentente cordiale

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Deux réalisatrices avaient convenu de mettre en commun leurs compétences afin de réaliser un documentaire. Cependant, la fin du tournage s’acheva dans des conditions difficiles en raison de substantielles différences de point de vue doublées d’une forte mésentente.
C’est dans ces conditions que l’une d’elle engagea une procédure judiciaire à l’encontre de sa partenaire et du producteur afin de voir interdire l’exploitation des rushs et premiers montages réalisés, requérir la résiliation du contrat portant sur la réalisation du documentaire litigieux et faire constater qu’elle disposait seule des droits d’auteur.
Bien mal lui en a pris dans la mesure où la Cour d’appel de Paris (28 mai 2010, n°08/23146) a confirmé en tout point la décision de première instance la déboutant intégralement de ses demandes.
La Cour a en effet considéré que l’élaboration des documents préparatoires, la réalisation des entretiens, leur conduite comme leur enregistrement filmé apparaissaient être le fruit du travail des deux co-réalisatrices qui s’étaient investies dans chacune des étapes de cette opération en fonction de leurs connaissances respectives.
La Cour a également constaté qu’il était patent que les co-réalisatrices ne pouvaient plus travailler ensemble, que tout rapprochement était impossible et que, dans ce contexte, la société de production s’était montrée active en cherchant des solutions permettant de ménager les droits de chacune des co-réalisatrices.
A l’issue de ces constats, la Cour a estimé fondée l’application faite par les premiers juges des dispositions de l’article L.121-6 du Code de la propriété intellectuelle, autorisant ainsi l’utilisation des travaux de la co-réalisatrice d’un documentaire audiovisuel aux fins d’achèvement de celui-ci, alors que l’attitude négative et intransigeante de celle-ci ne conduisait qu’à la persistance de la situation de blocage empêchant toute achèvement dudit documentaire.
En effet, l’article L.121-6 du Code de la propriété intellectuelle dispose que :

« Si l’un des auteurs refuse d’achever sa contribution à l’œuvre audiovisuelle ou se trouve dans l’impossibilité d’achever cette contribution par suite de force majeure, il ne pourra s’opposer à l’utilisation, en vue de l’achèvement de l’œuvre, de la partie de cette contribution déjà réalisée. Il aura, pour cette contribution, la qualité d’auteur et jouira des droits qui en découlent »

Il convient de rappeler ici que le particularisme d’une œuvre audiovisuelle tient au fait que la loi elle-même la répute automatiquement œuvre de collaboration (article L.113-7 du Code de la propriété intellectuelle).
En reconnaissant la qualité d’auteur aux personnes qui ont réalisé l’œuvre audiovisuelle, ce texte affirme sans ambiguïté qu’en cas de pluralité de contributions, ce qui est la règle en pratique, le statut de l’œuvre de collaboration doit être appliqué, son principe étant que tout coauteur, nonobstant l’importance de son apport, est fondé à faire valoir ses droits sur l’ensemble de l’œuvre.
Cependant, l’article L.121-6 du Code de la Propriété intellectuelle visé ici par la Cour d’appel vient sensiblement limiter le droit moral des coauteurs sur leur propre contribution.
C’est donc à juste titre que les juges d’appel ont appliqué ce texte, adaptant au cas d’espèce un principe délicieusement formulé par leurs prédécesseurs (Paris, 18 avril 1956, Dalloz 1957 pages 108, note Desbois) :

« Les différents contributeurs à une œuvre audiovisuelle ne sauraient prétendre imposer leur volonté discrétionnaire et l’intransigeance d’un seul, serait-il le créateur de la plus grande partie de l’œuvre, ne peut entraîner la ruine de l’œuvre commune, le prestige d’un coauteur ne pouvant conférer à ce dernier un droit moral de nature supérieure aux autres coauteurs et lui assurer une prééminence à l’égard de ceux-ci ».

Source :
Clliquez ici pour lire l’arêt de la Cour d’Appel du 28 mai 2010 n° 08/23146.

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