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Précisions sur la frontière entre injure et diffamation

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Dans un arrêt du 24 novembre 2009, la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation vient préciser la frontière entre injure et diffamation et rappelle le principe suivant lequel les expressions injurieuses qui ne sont pas absorbées par des propos contenant l’imputation de faits précis sont qualifiées d’injures et non de diffamations.
En l’espèce, le prévenu était poursuivi pour injures publiques envers un particulier en raison de propos tenus dans une émission radiophonique et visant directement une personne, propos dont la teneur est la suivante : « c’est la dernière des pourritures ». La condamnation à 3.000 euros d’amende avec sursis par les juges du premier degré a été confirmée en appel.
Dans le cadre de sa défense, le prévenu arguait que l’expression litigieuse constituait une diffamation et non une injure, qu’il devait bénéficier de l’excuse de provocation ; et qu’il était de bonne foi. Pour tenter de bénéficier de l’excuse de provocation, le prévenu soulignait que l’expression litigieuse était indivisible de l’imputation d’un fait.
La Haute Cour rejette cette argumentation et rappelle que « les injures incriminées n’étaient pas absorbées par des propos contenant l’imputation de faits précis portant atteinte à l’honneur et à la considération de la partie civile ». Elle considère en outre s’agissant de l’excuse de provocation, qu’en l’espèce, les propos litigieux «ne constituaient pas une riposte immédiate et irréfléchie à une provocation».
Il convient de rappeler sur ce point les dispositions de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 :

« Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation ». « Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure » (al. 2)

Classiquement, la jurisprudence ne retient que la diffamation lorsqu’est établi un lien indivisible entre les propos relevant de cette qualification et des propos injurieux. Dans ce cas, doit toutefois être démontré que les propos litigieux se réfèrent à des faits précis et qu’ils ne constituent pas de simples invectives détachées de tout fait déterminé. En l’absence de fait précis attachés aux propos litigieux la Cour a donc logiquement écarté l’argumentation de la partie défenderesse.
Par ailleurs, il est également de jurisprudence constante que l’excuse de provocation, seul fait justificatif pouvant être invoqué par l’auteur d’une injure, impose la démonstration de l’existence d’une relation directe matérielle et temporelle entre l’injure et la provocation.
Or, en l’espèce, la Cour considère que c’est à bon droit que les juges du fond ont retenus le caractère injurieux des propos, ces derniers ayant été «proférés lors d’une émission radiophonique détendue sur question d’une journaliste animée d’aucune intention malveillante». Faute de constituer une riposte instantanée et irréfléchis aux propos antérieurs tenus par la partie civile lors de ses spectacles, l’excuse de provocation est donc ici logiquement écartée.
Cette affaire illustre la protection de la réputation des individus par le droit et une limitation à la liberté d’expression. En effet, la liberté d’expression protégée notamment par l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) n’est pas un droit absolu. Comme pour toute liberté, son exercice connaît des limites dans les atteintes portées au droit des tiers. Dès 1881, le droit a permis de sanctionner la tenue de propos qualifiés de diffamation ou d’injure avec pour chacun de ces délits une définition très précise impliquant une juste qualification au moment de déclencher une procédure.
Malgré son caractère ancien, ce texte est également applicable au cyberespace. Or, à l’heure de la multiplication des tribunes publics sur internet, la gestion de la réputation et/ou de l’e-réputation deviennent des enjeux majeurs tant pour les personnes physiques que pour les entreprises. Et une telle décision aurait parfaitement pu concerner une web radio ou des propos écrits tenus sur un blog dès lors que la première diffusion de ceux-ci ne datait pas de plus de trois mois.
Sources : www.legifrance.gouv.fr

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