A propos de Cass. Com. 29 janvier 2013, Pourvois n°11-21011 et 11-24713
La Cour de cassation poursuit son entreprise de libéralisation de l’usage des signes distinctifs appartenant à des tiers par les concurrents à titre de mots clé dans le système de référencement Google Adwords.
Cette libéralisation s’inscrit dans la droite ligne de la position prise par la CJUE depuis 2010 et 2011 dans ses arrêts « Louis Vuitton » et « Interflora ».
Le cas d’espèce opposait la société Cobrason, spécialisée dans la vente de produits Hi Fi et vidéo en ligne via son site cobrason.com à un concurrent direct exerçant son activité sur le site homecinesolutions.fr dont il avait été constaté que des annonces publicitaires vers son site marchand étaient générées dans le moteur de recherche Google lorsque les internautes recherchaient la dénomination « Cobrason ».
De manière surprenante et à contre-courant de l’évolution jurisprudentielle initiée par la CJUE, la Cour d’appel de Paris, par son arrêt du 11 mai 2011, condamna la société Google ainsi que l’annonceur à verser à la société Cobrason des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par elle du fait des actes de concurrence déloyale et de publicité trompeuse qui seraient caractérisés par l’utilisation de la marque et de la dénomination sociale « Cobrason » à titre de mot clé dans le système de référencement Adwords.
La Cour d’appel de Paris faisait d’abord fi des arrêts de la CJUE disant pour droit que la société Google, au regard de son service de régie Google Adwords, bénéficiait du statut d’hébergeur au sens de l’article 14 de la Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000, dite Directive sur le commerce électronique.
Elle condamnait ainsi la société Google pour avoir contribué techniquement aux actes de concurrence déloyale et de pratique commerciale trompeuse commis par l’annonceur dont l’annonce comprenait l’expression “pourquoi payer plus cher« , de nature à induire en erreur les internautes et à entraîner un détournement de clientèle.
La Cour de cassation censure l’arrêt de la Cour d’appel sur ce point au motif « qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Google Inc. qui revendiquait le régime de responsabilité limitée institué au profit des hébergeurs de contenus par l’article 6, l-2 de la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique, la cour d’appel a méconnu les exigences du texte susvisé ».
Cette solution semble tout à fait conforme à la jurisprudence de la CJUE.
Pareillement, la Cour de Cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel en ce qu’il avait condamné l’annonceur au seul motif qu’en utilisant la dénomination sociale “Cobrason” sous forme de mot clé, alors qu’il exerçait la même activité que cette société, cet annonceur aurait nécessairement généré une confusion entre leurs sites internet respectifs dans la clientèle potentielle considérée et provoqué, de ce seul fait, un détournement déloyal de clientèle.
La Cour de Cassation juge qu’en statuant ainsi, sans relever de circonstances caractérisant un risque de confusion entre les sites internet des deux entreprises et alors que le démarchage de la clientèle d’autrui est licite s’il n’est pas accompagné d’un acte déloyal, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.
Cet arrêt vient confirmer la position déjà adoptée par la Cour de Cassation dans son arrêt du 25 septembre 2012 et isole de plus en plus l’arrêt contradictoire rendu par la cour d’appel de Paris le 13 juillet dernier et qui avait pu semer le doute dans l’évolution linéaire de la jurisprudence sur cette question.
Le référencement dans Google Adwords via l’utilisation des marques, dénominations sociales et autres noms commerciaux de ses concurrents semble donc être définitivement admis par la Cour de Cassation.
Attention toutefois à ce que cette utilisation soit loyale, en particulier qu’elle ne génère pas un risque de confusion dans l’esprit des internautes et à d’éventuelles décisions contraires de juridictions de fond résistant à cette évolution jurisprudentielle.