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Refus discriminatoire d’accès à une base de données médicale : 5.7 millions d’amende

base de données refus vente


Par décision n°14-D-06 du 8 juillet 2014, l’Autorité de la concurrence vient de prononcer une amende de 5.7 millions d’euros pour refus de vente d’une base de données d’informations médicales, constitutif d’une pratique discriminatoire abusive.

Pour prononcer cette sanction, le juge de la concurrence refuse toutefois de retenir la qualification d’infrastructure essentielle pour une base de données qui constitue pourtant le cœur de l’information médicale dans le secteur pharmaceutique.

Les laboratoires pharmaceutiques utilisent en effet deux outils pour optimiser leurs ventes : des bases de données d’informations médicales, qui recensent notamment les coordonnées des médecins et toute information utile aux visiteurs médicaux (adresse, conditions et heures des visites…), et des logiciels de gestion de clientèle qui permettent d’exploiter ces informations.

La Société Cegedim est leader sur le marché des bases de données d’informations médicales, sur lequel elle est en position dominante. Dans le cadre de son activité, la Société Cegedim propose aux laboratoires à la fois une base de données d’information dénommée OneKey (référence du secteur) et un logiciel de gestion.

La Société Euris, qui n’exploite d’un logiciel de clientèle concurrent de celui de la Société Cegedim (sans proposer de base de données d’information) a décidé de porter plainte, reprochant entre autres à la Société Cegedim d’abuser de sa position dominante.

La Société Euris considère que la Société Cegedim doit être sanctionnée en raison du refus de vendre sa base de données OneKey aux laboratoires utilisant ou souhaitant utiliser cette base avec un logiciel de gestion concurrent.

Cette dernière soutient que la base de données OneKey constitue une infrastructure essentielle, dont l’accès devrait être accordé à un concurrent, et que la Société Cegedim aurait adopté un comportement discriminatoire en refusant de vendre OneKey aux laboratoires utilisateurs de la solution logicielle commercialisée par la Société Euris.

L’Autorité de la concurrence a ainsi dû se prononcer sur la qualification de la base de données en facilité essentielle et sur celle du refus de vente de Cegedim en pratique discriminatoire.

1. La base de données OneKey ne constitue pas une infrastructure essentielle selon l’Autorité de la concurrence

Sur la question de savoir si OneKey constitue une facilité essentielle, l’Autorité de la concurrence vérifie l’existence des conditions de la qualification de facilité essentielle.

Ces conditions sont les suivantes : l’accessibilité aux données, les conditions économiques pour reproduire une base similaire à OneKey, et le caractère indispensable de OneKey pour un opérateur concurrent.

L’Autorité de la concurrence, compte tenu des éléments portés à sa connaissance, considère qu’il n’est pas établi que la base de données de Cegidim constitue une facilité essentielle

2. Le refus de vente demeure toutefois caractérisé

L’Autorité de la concurrence rappelle que le fait, pour un opérateur en position dominante, d’imposer des conditions ou des prix différents à des acheteurs se trouvant dans des situations équivalentes, leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence, constitue un abus. Il convient sur ce point de préciser que la discrimination peut consister à renforcer l’entreprise qui la met en œuvre dans la compétition qu’elle livre sur le marché dominé ou sur un autre marché. Il en est ainsi lorsqu’une entreprise verticalement intégrée bénéficie d’un accès privilégié à certains biens ou services qu’elle contrôle en amont et qui sont utiles, voire indispensables, à l’exercice d’une activité avale sur laquelle elle est également présente, ce qui ici est le cas de Cegidim.

Un comportement de ce type relève des abus dits d’éviction, découlant en général de la stratégie d’une entreprise visant à tirer parti du pouvoir qu’elle détient sur un marché pour affaiblir un ou plusieurs de ses concurrents et à terme à les évincer.

Cette affaire relève donc de ce type de comportement : en position dominante sur le marché de la base de données médicales la Société Cegidim a refusé de vendre sa base de données à la Société Euris ou à ses clients et a cherché à l’évincer. La société Cegedim a ainsi mis en œuvre une pratique discriminatoire, contraire aux articles L. 420-2 du code de commerce et 102 TFUE.

En l’absence de justification légitime, cette pratique, qui a bien un effet anticoncurrentiel sur le marché, est donc logiquement qualifié d’abus de position dominante et conduit l’autorité de la concurrence à infliger à la Société Cegedim une sanction de plusieurs millions d’euros en tenant compte de la durée de l’infraction (6 années), de la gravité de la pratique et du dommage à l’économie. Dans sa décision, l’Autorité de la concurrence a par ailleurs enjoint la Société Cegedim de cesser toute discrimination entre ses clients en fonction du logiciel de gestion utilisé.

Il résulte de cette décision, que si une pratique discriminatoire n’est plus prohibée per se au titre des pratiques restrictives de concurrence depuis la loi de modernisation de l’économie du 4 aout 2008, elle peut toujours l’être au titre des pratiques anticoncurrentielles.

Ainsi, un fournisseur qui déciderait de mettre en place des discriminations entre ses distributeurs doit être attentif à ce que cela ne constitue ni une entente anticoncurrentielle, ni un abus de position dominante. De plus, même si une entreprise en position dominante ne détient pas une facilité essentielle, elle n’en reste pas moins condamnable pour pratique discriminante abusive. Chaque entreprise en position dominante doit donc prendre garde à ce qu’une de ses pratiques discriminantes n’ait pas un objet ou un effet anticoncurrentiel, au risque de se voir lourdement condamner.

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