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Sur les oppositions fondées sur des appellations d’origine

terrasse

Une brasserie américaine, Anheuser-Bush Inc., a déposé à titre de marque communautaire la marque verbale semi-figurative Bud pour différents types de produits dont des bières.

Une brasserie tchèque (Budvar) a formé opposition contre cette demande d’enregistrement en se fondant sur une appellation d’origine Bud protégée notamment en France, en Italie ainsi qu’au Portugal.

L’Office des marques a rejeté cette opposition considérant que les preuves d’usage versées à l’appui de cette opposition étaient insuffisantes.

La brasserie tchèque a alors saisi le Tribunal de première instance qui a annulé la décision de l’OHMI.

La société américaine saisit la Cour de Justice de l’Union Européenne

La société américaine saisit la Cour de Justice de l’Union Européenne aux fins de voir annuler la décision de première instance.

A titre liminaire, il convient de préciser que la Cour a considéré que c’est à bon droit que le Tribunal :

  • a écarté l’application par analogie des dispositions applicables à une marque antérieure dans le cadre d’une procédure d’opposition. En effet, l’ensemble des droits antérieurs pouvant faire obstacle à l’enregistrement d’une marque communautaire nouvelle répondent à des conditions spécifiques (Cf. « hétérogénéité des droits antérieurs » ; Point 146) ,
  • a considéré que des livraisons à titre gratuit réalisées dans le cadre d’une activité commerciale (autrement dit,  dans la vie des affaires) sont susceptibles de constituer des preuves d’usage visant un avantage économique.

Cependant, la Cour a considéré que le Tribunal avait commis 3 erreurs de droit dans son interprétation de l’article 8 paragraphe 4 du Règlement N° 40/94 et applicable dans le cadre d’oppositions fondées sur une appellation d’origine antérieure et annule la décision du Tribunal sur ces points.

Il ressort de l’article 8 Paragraphe 4 a) du Règlement 40/94 sur les marques communautaires que :

« Sur opposition du titulaire d’une marque non enregistrée ou d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale, la marque demandée est refusée à l’enregistrement, lorsque et dans la mesure où, selon la législation communautaire ou le droit de l’État membre qui est applicable à ce signe:

des droits à ce signe ont été acquis avant la date de dépôt de la demande de marque communautaire ou, le cas échéant, avant la date de la priorité invoquée à l’appui de la demande de marque communautaire; »

Sur le territoire de l’usage

  • Première erreur de droit :  Le Tribunal a jugé que la portée d’un signe qui ne saurait être seulement locale, doit être exclusivement appréciée en fonction de l’étendue du territoire de protection du signe en cause, sans tenir compte de l’utilisation sur ce territoire.

NON !

Ce n’est pas la seule étendue géographique qui doit être prise en considération pour pouvoir faire obstacle à l’enregistrement d’une marque nouvelle.

Le droit antérieur doit en effet être suffisamment caractérisé et cela passe par son exploitation.

Le signe doit donc être protégé mais également exploité.

  • Deuxième erreur de droit : Le territoire pertinent pour apprécier l’usage d’un signe n’est pas nécessairement le territoire de protection de celui-ci.

Dans la décision critiquée, le Tribunal a même précisé que « l’article 8 paragraphe 4 du règlement n° 40/94 ne requiert pas que le signe en cause fasse l’objet d’une utilisation sur le territoire de protection de celui-ci et que l’utilisation sur un territoire autre que celui dans lequel il est protégé peut suffire, y compris en l’absence de toute utilisation sur le territoire de protection ».

NON !

Les droits exclusifs du signe antérieur ne sont applicables que sur le territoire de protection du signe.

En revanche, l’usage du signe sur une partie du territoire pertinent peut en effet suffire et l’appréciation de l’usage du signe peut être distributive (Cf. « de façon séparée pour chacun des territoires » ; Point 163).

Sur la période de l’usage

Troisième erreur de droit : L’usage du même signe ne doit pas nécessairement se situer avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque communautaire.

Il ressort de la décision qui nous retient que le Tribunal avait décidé que « l’utilisation du signe en cause dans la vie des affaires devait seulement être démontrée avant la publication de la demande d’enregistrement de la marque et non, au plus tard, à la date de dépôt de cette demande ».

NON !

Selon la Cour, le Tribunal avait à bon droit refusé de procéder par analogie avec les dispositions applicables aux oppositions fondées sur des marques antérieures, s’agissant du critère de l’usage sérieux. Or, la publication de la demande d’enregistrement (Article 43 du Règlement No. 40/94) est le point de départ du délai d’usage pour les marques antérieures opposées.

Il ressort de l’article 8 Paragraphe 4 a) ci-avant rappelé que les droits sur le signe opposé à l’enregistrement de la marque communautaire doivent avoir été acquis avant la date de dépôt de la demande de marque communautaire.

… sinon le signe n’est pas un droit antérieur ! Mais rien n’est expressément prévu pour ce qui est du point de départ de l’usage dans la vie des affaires.

Il ressort de la décision de la Cour, reprenant les conclusions de l’avocat général, qu’il semble plus cohérent et prudent de considérer que le même point de départ (demande de dépôt) s’applique aussi pour l’usage de ce signe de manière à garanti un usage réel du signe antérieur.

Les trois points de droit discutés ci-avant sont, à notre sens, liés les uns aux autres.

En effet, dans la mesure où la seule protection ne suffit pas, en soi, à asseoir un droit antérieur susceptible d’être opposé dans le cadre d’une procédure d’opposition (constitue un droit antérieur un signe dont les droits ont au moins été acquis avant la date de dépôt de la marque communautaire nouvelle), et dans la mesure où le signe doit faire l’objet d’un usage réel dans la vie des affaires (pour être valablement opposable), cet usage est tout simplement plus réel s’il démarre avant la demande de dépôt du signe second et pas seulement avant la publication de son enregistrement.

L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne …

Source :

CJUE 29 mars 2011 ; C-96/09 Anheuser-Busch Inc. / Budvar, OHMI

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