Deux récents jugements rendus par le Tribunal de Grande Instance de Paris dans l’affaire « TEXTO », montrent l’importance d’avoir des juridictions spécialisées.
Une lecture rapide de ces jugements pourrait laisser croire que la 3ème Chambre du TGI de Paris se contredit par sections interposées (première et deuxième). D’un coté, elle indemnise la société SFR pour contrefaçon de marque et de l’autre, elle considère la marque « TEXTO » comme nulle. Désaccord, insécurité juridique…? Pas tout à fait. Ces deux jugements étaient liés par les moyens de défense invoqués par les défendeurs et une ligne de défense semblait être plus pertinente que l’autre. Décryptage.
1. Dans une première affaire jugée le 30 novembre 2007, SFR n’est pas déchue de ses droits sur la marque TEXTO et obtient la condamnation du propriétaire de la marque « HARICOT TEXTO ».
Dans cette première affaire, SFR a agit en nullité et contrefaçon de marque à l’encontre de la société COMTEL qui a déposé la marque « HARICOT TEXTO ».
Cette dernière a fondé toute sa défense sur les termes de l’article L.714-6a) du Code de la Propriété Intellectuelle qui énonce qu’« encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d’une marque devenue de son fait la désignation usuelle dans le commerce du produit ou service, le caractère usuel de la marque devant résulter de l’inaction de son titulaire ».
Ainsi, la société COMTEL n’a pas contesté le fait que la marque « TEXTO » était distinctive au moment de son dépôt. Elle a seulement soutenu que le terme litigieux était devenu usuel depuis la date de son dépôt, puisque ce terme était utilisé en tant que nom commun pour désigner les messages écrits radiotéléphoniques, sans aucune référence à SFR, sur certains forums ou encore dans un ouvrage.
Cependant, le Tribunal considère que les preuves rapportées par le défendeur sont insuffisantes pour démontrer un usage du terme TEXTO généralisé à l’ensemble des consommateurs concernés par ce service. Pour le Tribunal ; TEXTO n’est pas devenu une désignation usuelle des produits de « messagerie écrite pour radiotéléphones ».
En outre, le tribunal a considéré, au vu des éléments produits par SFR, que cette dernière, confrontée à l’emploi du signe litigieux par des tiers, avait fait preuve de réactions multiples, suffisantes et proportionnées et qu’en l’absence d’emploi du terme « texto » par des concurrents directs, il ne pouvait lui être reproché de ne pas connaître le caractère inapproprié de cet emploi par le biais de campagnes publicitaires.
En conséquence, la demande de déchéance a été rejetée comme étant mal fondée et la société qui commercialisait le produit revêtu du signe « haricot texto » imitant la marque « texto » sans l’autorisation de SFR a été jugée comme commettant des actes de contrefaçon.
Par ailleurs, les défendeurs ont été condamnés à 30 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des faits de contrefaçon.
Enfin, SFR avait cru pouvoir soutenir que la marque « texto » était une marque renommée et que le défendeur avait tenté de tirer indûment profit de cette notoriété. Cependant, SFR ne permettait pas au tribunal d’évaluer significativement l’impact de la marque « texto » auprès du public concerné et donc sa renommée.
2. Dans la seconde affaire en date du 29 janvier 2008, SFR voit sa marque TEXTO annulée pour défaut de distinctivité et perd son procès contre la société ONE TEXTO.
SFR voulait faire prononcer la nullité de la marque « ONE TEXTO ». Elle avait mis en demeure ladite société de cesser tout usage illicite de sa marque « texto » puis, en l’absence de réponse de celle-ci, l’avait assignée en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale et parasitaire.
En réponse, le défendeur a fondé son argumentation sur l’absence de distinctivité du terme TEXTO, et ce, dès le jour du dépôt de la marque par SFR. Elle a ainsi invoqué le bénéfice des articles L.711-2 et L.711-4 du CPI pour demander la nullité du dépôt de la marque TEXTO par SFR pour défaut de caractère distinctif.
Au soutien de sa demande, la société ONE TEXTO semble avoir produit plusieurs articles de journaux nationaux dont les dates de publication étaient antérieures au dépôt de SFR et qui employaient le terme « texto » pour désigner des messages courts envoyés par le biais d’un téléphone portable. Le Tribunal considère que la large diffusion de ces articles suffit à démontrer le caractère usuel ou générique du terme « texto » au moment où SFR a souhaité déposer à titre de marque pour s’approprier un monopole d’usage. Par conséquent, il annule la marque TEXTO sur laquelle se fondait l’action en contrefaçon de SFR et la déboute de ses demandes.
Conclusion :
Face à des marques dont le caractère distinctif est discutable, deux voies de défense s’offrent aux personnes qui se voient opposées ces marques dans le cadre d’un litige :
1) Demander la nullité de la marque pour défaut de distinctivité au moment du dépôt ;
2) Demander la déchéance des droits du propriétaire de cette marque devenue usuelle.
Le caractère distinctif d’une marque est donc fluctuant dans le temps. En l’espèce, il a été reconnu au signe TEXTO à la date du 30 novembre 2007, alors qu’il a été nié à la date de son dépôt, le 23 janvier 2001.
On peut donc se demander si le terme TEXTO n’a pas acquis ce caractère distinctif par l’usage… La Cour d’appel de Paris aura peut-être l’occasion de se prononcer sur cette question.
Pour en savoir plus :
Jugement du TGI 29 janvier 2008
Fin du monopole de » texto » sur les SMS (Journal du net)