Uberpop, l’application américaine proposant une offre payante de transport sera interdite en France à partir du 1er janvier 2015, date d’entrée en application de la loi Thévenoud sur la régulation de la concurrence avec les taxis. Elle est censée contrôler la montée en puissance de la concurrence des véhicules de transport avec chauffeur (VTC) face aux taxis.
Au-delà des mouvements de contestation des professionnels du secteur qui ont voulu cette loi et des politiques qui promettent une exécution exemplaire de cette dernière, cette actualité suscite la question suivante : le service payant de transport de particuliers est-il libre au règlementé ?
- En quoi consiste le service Uberpop ?
L’application UberPop permet à un particulier, disposant d’un véhicule, de louer ses services aux utilisateurs de cette application mobile pour les transporter sur de courtes distances. Il s’agit d’une variante du covoiturage, mais sans l’aspect partage (de trajet, de frais) !
Selon la définition fournie dans la Loi du 27 janvier 2014, le covoiturage est l’utilisation en commun d’un véhicule terrestre à moteur par un conducteur non professionnel et un ou plusieurs passagers majeurs pour un trajet commun. La prise de contact peut se faire par petites annonces ou bien sur des plateformes comme Blablacar (le leader du marché), iDVroom (filiale de la SNCF) ou des sites associatifs ou de certaines collectivités territoriales. A la différence d’UberPop, le covoiturage n’est pas rémunéré grâce à une tarification prédéfinie, tenant compte des kilomètres parcourus et du temps écoulé, avec un prix minimum. Cette somme ne doit recouvrir que les frais engagés par le chauffeur. La notion de rémunération est exclue. Le covoiturage est même favorisé par les autorités dans la politique de développement durable.
Le service Uberpop permet aux personnes désirant se faire transporter de réserver un véhicule avec conducteur en prépayant la course !
Il convient néanmoins de noter que certains sites de covoiturage, font payer la même participation pour chaque passager. Dans ce cas de figure, le conducteur partage les frais avec le premier passager mais dès le second et a fortiori les suivants, il peut faire un certain bénéfice. Il n’est donc pas rare de voir plusieurs annonces d’un même « covoitureur » espacés de quelques dizaines de minutes à des heures de pointe. Il s’agit là d’une limite à l’esprit du covoiturage.
UberPop a fait d’une dérive des sites de covoiturage, son modèle économique afin de répondre à une demande bien réelle. Cela ne pouvait durer plus longtemps pour les professionnels du secteur qui voient là une concurrence déloyale. Ces derniers ont donc saisi le Tribunal de Commerce de Paris.
- Le Tribunal de commerce de Paris saisi en référé n’interdit pas le service UberPop mais se questionne sur la qualification de cette concurrence.
Saisi en référé par des sociétés de VTC concurrentes, le Tribunal de commerce de Paris a suivi le raisonnement par lequel ce qui n’est pas encore interdit est encore autorisé.
En effet, le décret principal d’application de la Loi Thévenoud encadrant l’activité des VTC et des taxis n’ayant pas été publié, il n’a pas eu de texte sur lequel fonder sa décision. Ce texte encadre ces professions (taxis et VTC) pour les protéger d’une concurrence sauvage qui ne garantit pas toujours un service de qualité et une exigence de sécurité et de conducteurs qualifiés.
La notion de « concurrence déloyale » est issue de l’article 1382 du code civil définissant la responsabilité délictuelle « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
La concurrence déloyale qui en découle est constituée de l’ensemble des procédés concurrentiels contraires à la loi ou aux usages, constitutifs d’une faute intentionnelle ou non et de nature à causer un préjudice aux concurrents.
En proposant un service de transport de particulier moyennant finance, le service UberPop se positionne comme une alternative aux taxis et autres VTC, donc comme un concurrent.
Le Tribunal de Commerce n’a donc pas voulu répondre à la question sur le principe de la concurrence déloyale. La procédure de référé lui a permis de ne pas aller au fond du raisonnement car celle-ci ne revêt qu’un « caractère provisoire » compte-tenu de l’urgence.
Néanmoins, si le juge n’a pas défini UberPop comme exerçant une concurrence déloyale, il a pointé l’ambiguïté que ce service pouvait faire circuler sur sa proximité avec les pratiques professionnelles des taxis tel le fait de se positionner sur la voie publique tel un taxi attendant le client. Le juge a donc demandé à UberPop « de retirer de leur support de communication toute mention qui présenterait comme licite le fait de s’arrêter, stationner ou circuler sur la voie publique en attente de client ». Le tribunal aiguille vers un risque de qualification en concurrence déloyale mais à ce stade ne le qualifie pas…
- La Loi Thévenoud va réglementer le service payant de transport de particuliers mais elle sera malmenée.
Enfin, cette affaire a permis à UberPop de voir deux points de sa défense devenir deux questions prioritaires de constitutionnalité. Elles seront transmises par le Tribunal à la Cour de Cassation. La première porte sur le fait que la Loi Thévenoud viendrait entraver le principe d’égalité, la deuxième est relative à la liberté d’entreprendre. La Cour de Cassation devra juger sur l’opportunité de saisir le Conseil Constitutionnel sur ces interrogations.
Pour UberPop cette décision n’était qu’une étape pour contrer la Loi Thévenoud.
Cette attaque massive contre la loi Thévenoud se double d’une offensive à Bruxelles. Uber a saisi la Commission européenne d’un texte qui à ses yeux contrevient à la directive de 1998 sur les services en ligne. Ce texte impose aux États-membres de lui notifier toute restriction à ces services. La France ne l’a visiblement pas fait.
Le dernier mot n’a pas encore été prononcé, il reste encore un peu de route à faire.