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Un accord sur les .VIN et .WINE

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Par David GRANEL
Après des mois de conflits, un accord semble enfin avoir été trouvé autour des .VIN et .WINE.
Vignerons européens et Commission Européenne soucieux de la protection des indications géographiques avaient lancé une procédure l’été 2014 pour contrer la gestion de ces noms de domaines par Donuts qui avait candidaté auprès de l’ICANN.
La CNAOC (Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d’Origine Contrôlées) qui regroupe l’ensemble des syndicats viticoles d’AOC s’était mobilisée pour obtenir des garanties sur leurs usages à défaut d’avoir candidaté auprès de l’ICANN pour les gérer.
Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, celui de l’Agriculture Stéphane Le Foll et la secrétaire d’État au Numérique Axelle Lemaire avaient d’ailleurs écrit au président de la Commission européenne José Manuel Barroso pour lui demander de refuser l’attribution d’extensions Internet en « .vin » et « .wine ». « Le processus de délégation du « .vin » et du « .wine » menace de devenir un cas emblématique des dérives du système actuel de la gouvernance de l’Internet », écrivaient-ils dans un courrier daté du 5 juin 2014.
 
Le poids économique de la filière viticole en Europe
Il convient de rappeler que l’Union Européenne représente 45% des superficies viticoles de la planète, 65% de la production, et 70% des exportations mondiales. Selon une étude du cabinet Xerfi, les ventes en ligne de vin ont bondi de 32% en 2013, à 750 millions d’euros et devraient avoisiner plus de 1,5 milliards en 2016. Au niveau mondial, ce sera près de 6 milliards d’euros en 2016. Cela représente 8% des ventes totales de vin en valeur en 2013.
La défense du patrimoine viticole est ainsi un enjeu crucial pour l’Union Européenne aussi bien pour la défense de ses intérêts économiques que pour la protection de ses producteurs et de leur savoir-faire.
 
La définition européenne du vin
Le vin est défini à l’annexe XI ter du règlement (CE) n° 491/2009  comme le produit « obtenu exclusivement par la fermentation alcoolique, totale ou partielle, de raisins frais, foulés ou non, ou de moûts de raisin ». La définition est simple, mais d’autres procédés existent pour obtenir une boisson chimique ayant goût à vin, la définition n’est donc pas inutile pour protéger le consommateur et les véritables vignerons.
Pour bénéficier de la protection des AOP viticoles (l’Appellation d’origine Protégée est le terme européen pour désigner les AOC), le règlement précise dans son article 118 ter, 1, a) que le signe distinctif doit répondre à des conditions strictes en étant :
« … le nom d’une région, d’un lieu déterminé ou, dans des cas exceptionnels, d’un pays, qui sert à désigner » un vin et (… dont la qualité et les caractéristiques sont dues essentiellement ou exclusivement à un milieu géographique particulier et aux facteurs naturels et humains qui lui sont inhérents ; élaboré exclusivement à partir de raisins provenant de la zone géographique considérée ; dont la production est limitée à la zone géographique désignée ; obtenu exclusivement à partir de variétés de vigne de l’espèce Vitis vinifera.
Il en est de même pour les IGP viticoles qui sont définies dans ce même règlement dans l’article 118 ter, 1, b comme :
(…) une indication renvoyant à une région, à un lieu déterminé ou, dans des cas exceptionnels, à un pays, qui sert à désigner [un vin] : possédant une qualité, une réputation ou d’autres caractéristiques particulières attribuables à cette origine géographique ; produit à partir de raisins dont au moins 85 % proviennent exclusivement de la zone géographique considérée ; dont la production est limitée à la zone géographique désignée ; obtenu à partir de variétés de vigne de l’espèce Vitis vinifera ou issues d’un croisement entre ladite espèce et d’autres espèces du genre Vitis.
Une fois enregistrées, les dénominations vitivinicoles sont protégées contre toute (article 119 du règlement):
« a) utilisation commerciale directe ou indirecte d’une dénomination enregistrée pour des produits non couverts par l’enregistrement, dans la mesure où ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou dans la mesure où cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée ;
b) usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable du produit est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d’une expression telle que “genre”, “type”, “méthode”, “façon”, “imitation”, ou d’une expression similaire ;
c) autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l’origine, la nature ou les qualités substantielles du produit figurant sur le conditionnement ou l’emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit concerné, ainsi que contre l’utilisation pour le conditionnement d’un récipient de nature à créer une impression erronée sur l’origine ;
d) autre pratique susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit.

 
La conception du droit des indications géographiques face à la conception du droit des marques américain
Il s’avère cependant que cette conception se heurte à une certaine réalité : celle du manque de reconnaissance des indications géographiques hors de l’Union Européenne.
A la conception européenne du droit des indications géographiques et des appellations d’origine appuyé par une protection à caractère public s’oppose une conception libérale où prévaut le droit des marques et cela particulièrement aux Etats-Unis.
Certains producteurs américains utilisent déjà les dénominations d’IG prestigieuses pour désigner et étiqueter leurs vins, profitant malheureusement de la renommée des appellations. Aujourd’hui, les vins européens sous IG souffrent d’usurpation et d’abus de réputation sur le marché. Jusqu’ici, les différentes actions portées par les vignerons français n’ont pas toujours vraiment abouti.
En effet, les vignerons et wine-makers américains se prévalent de 17 dénominations d’IG parmi les plus renommées pour désigner et étiqueter leurs vins. Vu des États-Unis Burgundy (Bourgogne), Chablis, Champagne, Chianti, Madère, Moselle, Sauterne et 10 autres appellations sont des termes semi-génériques désignant des typicités organoleptiques et non un terroir tel que nous le définissons. Le Champagne n’est donc pour eux qu’un simple vin effervescent…
Les producteurs et la Commission Européenne ont donc retiré la procédure contre le choix de l’ICANN après qu’une liste réservée aux détenteurs d’une appellation géographique ait été établie. La CNAOC a directement négocié avec le Registrar.
Les vins sous appellation pourront alors être mieux protégés. Les extensions .VIN et .WINE seront donc disponibles courant 2016, très certainement, après la définition des différentes modalités d’enregistrement parties.
Il s’agit d’une avancée à intégrer dans la panoplie d’une plus grande protection des IG (Indications Géographiques) viticoles via le futur accord de libre-échange UE-USA. Les indications géographiques se définissent selon l’accord ADPIC, article 22-1 comme des « signes servant à identifier un produit comme étant originaire du territoire d’un Membre, ou d’une région ou localité de ce territoire, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique. »
 
Si l’accord pose des garde-fous, le risque d’abus et d’usurpation via les extensions .VIN et .WINE demeure. Les vignerons européens devront rester vigilants.
 
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