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Vente liée et ordinateurs pré-équipés : Suite (et fin ?) de la saga judiciaire

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Le fait de vendre un ordinateur équipé d’un ou plusieurs logiciels préinstallés n’est pas, en principe, illicite.

Assimilée par certains à une vente liée, cette pratique a fait l’objet d’une série jurisprudentielle à rebondissements, dont le dernier feuilleton en date est intervenu le 5 février 2014. La première chambre civile de la Cour de cassation a en effet rappelé le principe suivant lequel l’existence d’une pratique déloyale suppose que les juges du fond constatent l’impossibilité pour le client de se procurer un ordinateur « nu » identique auprès du fabricant.

L’occasion de revenir sur la définition de la vente liée et sur les divers épisodes d’une saga jurisprudentielle qui dure depuis maintenant plusieurs années.

I- VENTES LIEES D’ORDINATEURS ET LOGICIELS : UNE SAGA JURISPRUDENTIELLE
La vente liée est une pratique qui consiste à proposer à la vente un lot de produits, autrement dit, de subordonner l’achat d’un produit ou service à celui de tous les autres du lot ou d’une quantité imposée.
La vente liée ou par lot a longtemps été prohibée par deux ordonnances pour enfin être codifiée une première fois à l’article L. 122-1 du code de la consommation en ces termes : « il est interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit ».

La Cour de Justice Européenne (ci-après « CJUE ») dans un arrêt du 23 avril 2009 est ensuite venue poser la question de la compatibilité de ce texte avec la directive n° 2005/29/CE du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales.
Pour la CJUE, la prohibition française des ventes liées serait en effet contraire à ladite directive. Il est ainsi rappelé que les législations nationales ne peuvent, sans tenir compte des faits de chaque espèce, interdire toute offre conjointe faite par un vendeur à un consommateur. Cette décision a, du reste été confirmée par la suite dans un nouvel arrêt du 11 mars 2010 .
Le législateur français a donc modifié l’article L. 122-1 qui dispose dans sa version finale que « il est interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit dès lors que cette subordination constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l’article L. 120-1 ».

Les tribunaux français ont parallèlement précisé la nature de cette qualification de pratique commerciale déloyale en matière de vente de logiciel. Ainsi, en 2011 , la Cour de cassation pose le principe suivant lequel le vendeur doit toujours informer le consommateur moyen sur les prix respectifs des matériels et programmes et les caractéristiques principales de l’ordinateur et des logiciels pour lui permettre de prendre une décision en toute connaissance de cause.

Puis dans une décision en date du 12 juillet 2012 , la Cour ajoute que la vente d’ordinateurs en ligne ne constitue pas une pratique commerciale déloyale à partir du moment où le consommateur a la possibilité d’acquérir un ordinateur « nu ».
C’est sur ce même sujet que se sont prononcés les hauts magistrats le 5 février dernier.

II- VENTES LIEES D’ORDINATEURS ET LOGICIELS : UNE SAGA TOUCHANT A SA FIN ?
L’arrêt du 5 février 2014 vient ainsi rappeler que les juges du fond doivent, pour retenir l’existence d’une vente liée fautive en raison de pratiques commerciales déloyales, « constater l’impossibilité [pour le client] de se procurer, après informations relatives aux conditions d’utilisation des logiciels, un ordinateur « nu » identique ».

Selon les faits de l’espèce, Monsieur X avait acquis, dans un magasin d’informatique, un ordinateur équipé de logiciels préinstallés. N’ayant pas réussi à obtenir le remboursement des logiciels non souhaités, celui-ci a assigné le fabricant de l’ordinateur.

Si les juges d’appel lui ont donné raison, la Cour de cassation a, quant à elle, refusé de caractériser une pratique commerciale déloyale au motif que la preuve de l’impossibilité de se procurer un ordinateur dépourvu des logiciels n’était pas apportée.

Cette solution est plutôt sévère car la charge de la preuve pèse ici sur le client et non sur le vendeur. Elle vient toutefois confirmer le virage pris par les Tribunaux français depuis la transposition de la Directive relative aux pratiques commerciales déloyales du 11 mai 2005.

Suivant les principes rappelés par ce nouvel arrêt du 5 février 2014, les distributeurs d’ordinateurs et de logiciels devront donc veiller à renforcer l’information de leurs clients et à prévoir notamment la possibilité pour ces derniers de se procurer un produit identique sans logiciel préinstallé.
La rédaction des Conditions générales de vente ou encore des fiches produits et autres mentions d’affichages seront ici essentielles pour sécuriser juridiquement la vente et cantonner le risque de contestation.

Vous souhaitez en savoir plus ? Cliquez ICI pour plus d’information.

[1] La prohibition a été initiée par une ordonnance du 30 juin 1945, puis par une ordonnance du 1er décembre 1986.
[2] Cf. arrêt CJUE en date du 23 avril 2009, affaire n° C-261/07.
[3] Cf. arrêt CJUE en date du 11 mars 2010, affaire n° C-522/08.
[4] La version finale de l’article L. 122-1 du code de la consommation est issue de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011.
[5] Cf. arrêt de la Cour de cassation en date du 6 avril 2011, n° 10/10800.
[6] Cf. arrêt de la Cour de cassation en date du 12 juillet 2012, n° 10/18807.
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