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« Vente-privee.com » : marque valide ou simple nom de domaine générique ?

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CA propos de TGI Paris, 28 novembre 2013, RG 12/12856

Le Tribunal de Grande Instance de Paris a rendu le 28 novembre 2013 un jugement largement commenté dans la presse puisqu’elle a prononcé la nullité de l’enregistrement de la marque verbale « Vente-privee.com » n°09 3 623 085 déposée par la société éponyme pour désigner les services en lien avec l’activité de sa célèbre plateforme de vente en ligne www.vente-privee.com.

Ce jugement est d’autant plus retentissant que jusqu’alors, la société Vente-Privee.com avait déjà eu plusieurs fois gain de cause dans des procès de contrefaçon ou d’atteinte à sa marque dans lesquels sa marque fondait ses actions.

En l’espèce, c’est un de ses concurrents, la société Showroomprive.com, qui a pris l’initiative de la procédure en l’assignant devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, au visa des articles L. 711-2 et L. 714-3 du Code la propriété intellectuelle en vue d’obtenir la nullité de sa marque verbale « Vente-privee.com » pour défaut de caractère distinctif.

En effet, la condition principale de protection d’un signe au titre du droit des marques tient au caractère distinctif de ce signe, l’article L 711-2 du Code de la propriété intellectuelle énonçant que sont dépourvus de caractère distinctif « les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service » ou bien encore « les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de services ».

L’existence (ou non) de ce caractère distinctif s’apprécie au jour du dépôt de la marque. En l’espèce, le Tribunal s’attache donc à analyser les nombreuses pièces soumises aux débats (articles de presse, extraits de sites, cartons d’invitation à des ventes privées, définitions de dictionnaires, recherches Google, …) pour déduire que le 16 janvier 2009, date de dépôt de la marque verbale « vente-privee.com », l’expression « vente privée » appartenait déjà au langage courant et constituait la désignation usuelle et nécessaire du service consistant à proposer à la vente, lors d’événements limités dans le temps et à un public restreint, des produits en quantité limitée et à prix réduit.

Le jugement sur ce point ne souffre d’aucune discussion sur le plan juridique et rejoint des précédents plus ou moins connus d’annulation de marques pour défaut de caractère distinctif (TGI Paris, 17 mars 2010, annulant la marque EMAILING ; CA Paris, 23 septembre 2009 et 9 octobre 2009 confirmant la nullité de la marque TEXTO).

La société Vente-privee.com demandait néanmoins le bénéfice de l’exception prévue par l’article L. 711-2 du Code de la Propriété Intellectuelle qui prévoit qu’un signe peut acquérir son caractère distinctif par l’usage, la CJCE ayant précisé que « l’intention du législateur communautaire a été d’accorder la protection au titre de la marque communautaire aux seules marques dont le caractère distinctif a été acquis par un usage antérieur à la demande d’enregistrement » (CJCE 11 juin 2009, Aff. C-542/07).

Le Tribunal rappelle les critères qui doivent être pris en compte pour déterminer si la marque dont l’enregistrement est sollicité a pu avoir acquis un caractère distinctif par son usage : la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque.

Bien que constatant que la société Vente-privee.com détient 90% du marché français de ce type de services en ligne, le Tribunal refuse de considérer que la marque verbale « vente-privee.com » aurait acquis un caractère distinctif par l’usage ; motif pris que la société Vente Privée.com entretiendrait une confusion sur la notoriété de l’entreprise, de son site Internet et de ses différentes marques (marques semi-figuratives) sans faire de distingo « pour établir la notoriété de sa marque et aucun sondage n’étant versé aux débats pour permettre de vérifier ce que le consommateur reconnaît » (sic).

Le Tribunal considère ainsi que la société Vente Privee.com « ne démontre pas que la partie nominale de la marque a acquis à titre de marque, c’est-à-dire d’identification d’origine du service, une distinctivité telle qu’elle lui permet de s’approprier des termes génériques qui doivent rester disponibles pour tous les acteurs de la vie économique agissant dans ce secteur » et pointe le fait que « possédant déjà des marques semi-figuratives et un nom de domaine, elle n’a aucune légitimité à monopoliser à son profit les termes « VENTEPRIVEE.COM » à titre de marque et à priver ses concurrents de l’usage de ces mots sauf à introduire une distorsion dans les règles de libre concurrence et à générer un contentieux inutile ».

Cette solution n’est pas sans rappeler celle rendue par la Cour de cassation le 28 avril 2004 confirmant la nullité des marques verbales Loto et Loto sportif pour défaut de caractère distinctif prononcé par la Cour d’appel de Paris : « Ayant relevé que le terme loto qui est un jeu de hasard existant depuis des siècles, était nécessaire pour désigner soit les jeux en cause soit les loteries, la cour d’appel a implicitement mais nécessairement déduit de ses constatations que les termes Loto et Loto Sportif n’avaient pas acquis par l’usage un caractère distinctif au sens de l’article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle ».

Néanmoins, la société Vente Privée.com a d’ores et déjà annoncé qu’elle ferait appel de ce jugement et la question de la preuve de la distinctivité de la marque vente-privee.com fera, à n’en pas douter, l’objet de nouveaux débats. En outre, la question de l’application par analogie de l’article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle aux noms de domaine pourrait également se poser alors qu’en principe les noms de domaine génériques ne sont pas protégeables.

Débats à suivre…

Si la protection de votre marque est une problématique pour vous, consultez notre Zoom sur les critères d’appréciation du caractère distinctif d’une marque.

Lisez également cet article sur le thème de la protection de marque : Noms de domaine évocateurs : une protection amoindrie, qui traite aussi du caractère distinctif d’une marque ou d’un nom de domaine.

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