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II. Focus sur la jurisprudence dite « saveur bière » et la problématique des sites satellites

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Dans une décision inédite en France, la Cour d’Appel de Douai s’est intéressée pour la première fois à la technique des pages satellites pourtant très répandue et admise par les moteurs de recherche. Suivant cette décision, le fait de créer artificiellement des liens (ou netlinking) via des annuaires, des communiqués de presse ou par tous autres moyens « non naturels » constitue potentiellement un acte de concurrence déloyale.

La Cour d’appel précise ainsi que la création de sites satellites est destinée à « tromper les moteurs de recherche sur la qualité d’une page ou d’un site afin d’obtenir par un mot-clé donné un bon classement dans les résultats de moteurs ». Les seconds juges motivent cette appréciation par la constatation suivante : « en multipliant la réservation de noms de domaine comportant à de nombreuses reprises le terme ‘bière’ favorisant la création de liens orientant vers leur nom de domaine, le plaçant de ce fait en tête des moteurs de recherche, les défendeurs ont commis des actes de concurrence déloyale en privant le site appartenant à la demanderesse, qui exerce dans le même secteur d’activité, d’être normalement visité». « la captation de clients potentiels par la redirection vers le site Internet Saveurbière.com par le biais de sites satellites dont c’est la seule finalité » aurait ainsi causé un préjudice commercial à la société concurrente.

A notre sens, cette décision ne condamne pas le fait d’utiliser des sites satellites comme technique de référencement mais celui plus précis de se positionner, via cette pratique, sur les mots clés et le terrain d’activité d’un concurrent direct à l’aide de noms de domaine satellites ne proposant aucun service, afin de détourner du trafic au préjudice du concurrent privé « d’être normalement visité ».

En d’autres termes et faute de nouvelles décisions dans ce domaine, il peut être avancé que la création de sites satellites n’est pas en elle-même constitutive de concurrence déloyale sauf dans les cas où il est démontré que l’objectif unique de ces sites satellites est d’optimiser le référencement naturel su site principal.

Dans le cas d’espèce « Saveur Bière », l’affaire a été portée au civil sur le terrain de la concurrence déloyale et s’est résolue avec des dommages et intérêts. L’identification des risques juridiques encourus par les professionnels du référencement et leurs clients suppose néanmoins d’ouvrir le spectre de l’analyse.

Ainsi, les techniques de création de pages satellites ou de spamdexing peuvent-elles également être source d’insécurité juridique :

  • au regard des moteurs de recherche et de leurs conditions générales d’utilisation : En fonction de leur propre politique éditoriale, chaque moteur de recherche définit les techniques qu’il considère comme abusive. Le moteur de recherche Google précise notamment dans ses conditions générales d’utilisation récemment modifiées : « Vous ne devez utiliser nos Services que dans le respect des lois en vigueur, y compris les lois et réglementations applicables concernant le contrôle des exportations et réexportations. Nous pouvons suspendre ou cesser la fourniture de nos Services si vous ne respectez pas les conditions ou règlements applicables, ou si nous examinons une suspicion d’utilisation impropre. » (Cf. CGU GOOGLE)  En cas « d’utilisation impropre », la sanction peut aller jusqu’au blacklistage du nom de domaine : Le site en question n’apparaîtra donc plus jamais sur Google, ou quelconque autre moteur de recherche qui l’aurait blacklisté.
  • Au regard du droit pénal et notamment de l’infraction d’atteinte frauduleuse aux systèmes de traitement automatisé de données (STAD) : Si aucune décision ne semble avoir été rendue à ce jour sur ce fondement, cette infraction peut à notre sens s’avérer constituée dans le cadre de certaine pratiques déviante de référencement. Les techniques de spamdexing pourraient ainsi être assimilées à une atteinte frauduleuse à un STAD en application des articles 323-1 et 323-2 Code pénal et faire encourir à ses auteurs des peines pouvant aller jusqu’à cinq d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
  • Au regard des pratiques commerciales trompeuses sanctionnées par les articles L.121-1 et suivants du Code de la consommation : Le référencement lorsqu’il est abusif sert également à promouvoir un site marchand. En cela, il constitue un moyen de publicité. Or, l’article L. 121-1 du Code de la consommation sanctionne les pratiques commerciales trompeuses y compris dans le cadre de relations entre professionnels. Il pourrait ainsi être considéré que le spamdexing fausse les résultats des moteurs de recherches, fait croire qu’un site bien classé est pertinent et offre des produits ou services de qualité. Dans ce cas la sanction fait encourir l’auteur de telles pratique des peines pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 37500 euros, l’amende pouvant être portée à 50 % des dépenses de la publicité ou de la pratique constituant le délit.

 

Blacklistage, responsabilité civile, fermeture de site sous astreinte, responsabilité pénale, etc. on le voit, l’opération de référencement naturelle n’est pas sans risque et impose une prise en compte de ceux-ci par les professionnels du secteur dans le cadre de la définition de leur mission, et, le cas échéant du périmètre de leur responsabilité vis-à-vis de leur client.

Tel est également le cas en matière de référencement payant.

Cf. Cour d’Appel de Douai, 5 octobre 2011, « Saveur Bière ». Décision par ailleurs commentée dans l’article  « Lorsque la concurrence vire à la mise en bière ».

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I. Les riques du référencement naturel SEO

III. Les risques d’un référencement payant (SEM)

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V. Conclusion

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