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Contrefaçons sur Internet : vers une stabilisation du critère du « public visé » ?

tribunal

La jurisprudence, qui semblait indécise relativement à l’appréciation de la compétence des juridictions françaises et de la loi applicable dans les litiges mettant en cause un site Internet semble se stabiliser.

A titre d’introduction, il convient de rappeler que toute la difficulté de la question provient de l’interprétation de l’article 5-3 du Règlement 44/2001 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale dispose qu’est compétent le tribunal « du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ». Simple en apparence uniquement.

En effet, deux critères principaux peuvent jouer dans la détermination de la compétence des tribunaux français : l’accessibilité au site Internet et le public visé.

Accessibilité au site Internet

Le premier critère a été mis en œuvre par la Cour d’appel de paris, pour statuer par exemple sur une affaire mettant en cause des liens sponsorisés accessibles depuis la France, et rédigé en langue étrangère. Selon les juges, dès lors que l’internaute disposait d’outils de traduction mis à sa disposition il importait peu que les sites soient rédigés dans une langue étrangère. Les Tribunaux français étaient compétents. (CA Paris, 4e ch., sect. A, 28 juin 2006, Google France c/ Louis Vuitton Malletier).

Cette position, qui n’est pas sans danger, car elle accorde aux juridictions nationales une compétence quasi-systématique et permet de recourir « au forum shopping » semble avoir été abandonnée.

Le second critère, celui du « public visé », permet de caractériser l’impact économique d’un site internet en France. Ce critère plus raisonnable, adopté notamment par la Cour d’appel dans les arrêts du 3 septembre dernier opposant eBay à LVMH, vient d’être confirmé par un arrêt du 14 décembre 2010, arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation.

Dans cette espèce, plusieurs chansons d’un auteur français avaient été mises à disposition des internautes sous forme d’extraits musicaux, sur un site hébergé en Allemagne et exploité par une  société allemande.

Le chanteur, qui n’en avait pas autorisé la diffusion, a fait citer devant le tribunal correctionnel le dirigeant de cette société du chef de contrefaçon.

Les juges du fonds avaient jugé que la loi française avait vocation à s’appliquer, bien que le site fut rédigé en Allemand, dans la mesure où les titres des chansons, du répertoire français, n’avaient, eux, pas été traduits.

Leur décision encourt la cassation. En effet, la Cour d’appel aurait du établir que le site exploité par la société allemande était orienté vers le public français, dans la mesure où la perpétration de la contrefaçon sur le territoire français est un élément constitutif de l’infraction.

L’arrêt du 14 décembre dernier vient donc confirmer la jurisprudence antérieure, qui semble se stabiliser.

Les juges se fondent sur l’extension et/ou la langue dans laquelle est rédigé le site

Cependant, reste à savoir comment apprécier le « public visé ». En effet, généralement les juges du fond, pour démontrer qu’il existe un lien suffisant, substantiel ou significatif entre les faits allégués et le territoire français vont se fonder sur l’extension et/ou la langue dans laquelle est rédigé le site.

Cependant, les tribunaux font parfois preuve d’originalité pour affirmer que les sites visent le public français. Ainsi par exemple, dans un arrêt du 2 décembre 2009, la Cour avait écarté le critère de l’utilisation de la langue française et considéré que les annonces publiées sur le site litigieux, rédigées en langue anglaise, pouvaient être comprises par quiconque. (CA Paris, Pôle 1, 2ème ch., 2 déc. 2009).

Dans un autre arrêt, qui concernait un site rédigé en anglais et disposant une extension en .uk, les tribunaux français ont décidé qu’une plateforme ayant incité à plusieurs reprises les internautes à consulter un site voisin en .uk pour élargir leur recherche ou profiter d’opérations commerciales ; caractérisait un lien de rattachement suffisant pour fonder la compétence des juridictions nationales .

Enfin, le TGI de Paris a, en 2008, considéré qu’un site chilien rédigé en espagnol était destiné « aux amateurs d’art », et s’est considéré compétent, dans la mesure où ces derniers seront naturellement portés à rechercher les sites reproduisant les tableaux de l’artiste qui sont appréhendables par l’internaute indépendamment de la langue des commentaires d’accompagnement (TGI Paris, ord. mise en état, 3 sept. 2008, Florence G.-G., Clara G.-C. c/ Musée d’art contemporain et al.).

En conséquence, si le critère du public visé semble s’être stabilisé, reste à établir des critères qui permettraient de définir à partir de quand et où s’arrête ces termes qui semblent pouvoir recouvrir de multiples interprétations.

Source :

Arrêt de la Cour de Cassation du 14 décembre 2010, pourvoi n° : 10-80088  sur le site legifrance.gouv.fr.

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