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Le droit des marques à l’épreuve de la protection du patronyme

viticole haas avocats

La Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 13 novembre 2013, a admirablement tranché un litige entre deux domaines viticoles qui se disputaient un même nom de famille. Elle a ainsi pu accorder satisfaction à l’un sur le terrain du droit au nom et à l’autre sur le terrain du droit des marques.

La famille Poyferré, propriétaires du domaine viticole de Jouanda, commercialisait un bas-armagnac sous la marque « Baron de Poyferré » déposée en 2001.

La société civile des domaines Saint-Julien-Médoc, quant à elle, exploitait le domaine « Château Léoville Poyferré » et produisait le vin grand cru du même nom. Ce domaine lui avait en effet été cédé en 1920 par la famille Poyferré.

En 2008, ces exploitants ont déposé deux marques verbales « pavillon Poyferré » et « Conte Poyferré ». Les consorts Poyferré les ont alors assignés en contrefaçon de leur marque mais également pour atteinte à leur nom patronymique.

Les défendeurs ont alors formé une demande reconventionnelle fondée sur le caractère déceptif de la marque invoquée.

La Cour d’appel a fait droit aux demandes des consorts Poyferré en retenant aussi bien la contrefaçon de leur marque que l’atteinte à leur nom de famille.

Cette décision a toutefois été partiellement censurée par la Cour de cassation qui est parvenue à satisfaire les deux parties en faisant valoir leurs droits respectifs.

La Haute juridiction a ainsi confirmé la Cour d’appel en ce qu’elle avait retenu que le dépôt des marques verbales « pavillon Poyferré » et « Conte Poyferré » portait atteinte au nom patronymique « Poyferré ».

Elle a ainsi considéré que si la famille Poyferré avait cédé son domaine « Château Léoville Poyferré » et donc autorisé l’utilisation de son nom comme dénomination sociale et comme marque, cette autorisation portait exclusivement sur l’utilisation du patronyme accolé au toponyme « Léoville ».

C’est ainsi sur l’association de ces dénominations, et non pas sur les dénominations prises individuellement, que portaient les droits des exploitants du grand vin du Médoc.

En interprétant strictement l’autorisation d’utiliser son nom à des fins commerciales, la Cour de cassation accorde ainsi au patronyme une protection renforcée face au droit des marques. Cette position se justifie par le fait que le nom de famille constitue un droit de la personnalité, c’est-à-dire un droit inaliénable et, en principe, extrapatrimonial. S’il est admis qu’un nom patronymique peut se détacher de la personne et faire l’objet d’une exploitation commerciale (Cass. com., 12 mars 1985, Bordas), et ce notamment à titre de marque (C. propr. intell., art. L. 711-1 al. 2), ce n’est ainsi que par exception, d’où l’interprétation nécessairement stricte de l’autorisation donnée.

La Chambre commerciale a toutefois pu donner satisfaction aux exploitants des domaines Saint-Julien-Médoc en écartant la contrefaçon de la marque « Baron de Poyferré ». Elle a ainsi censuré la Cour d’appel et considéré que ce signe, déposé notamment pour du vin, était de nature à tromper le public en lui faisant croire à l’existence d’un lien avec le grand cru Saint-Julien et qu’elle était donc déceptive au sens de l’article L. 711-3 du Code de la propriété intellectuelle.

Les titulaires de marques pourront tirer de cet arrêt deux enseignements.

La protection du nom patronymique, d’une part, ne doit pas être sous estimée. Son utilisation à des fins commerciales doit ainsi se faire avec la plus grande prudence, et ce alors même qu’une autorisation a été accordée.

Le titulaire de marques, d’autre part, devra se garder d’agir en contrefaçon à la légère, sous peine de voir annuler la marque sur laquelle est fondée son action.

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