Cet arrêt est doublement intéressant : il rappelle les conditions de recevabilité de l’exception de l’épuisement des droits qui limite les droits du titulaire d’une marque et rappelle l’utilité pour les revendeurs de prévoir dans leurs contrats fournisseurs des clauses de garantie fortes.
Contexte
La société Puma AG, titulaires de plusieurs marques figuratives « Puma » et la société Puma France, licenciée exclusive de la marque Puma pour la France ont fait saisir des paires de chaussures contrefaisantes dans un des points de vente d’une grande chaîne de magasins spécialisée dans le sport.
Ce magasin a alors demandé à son fournisseur qu’il lui confirme par écrit qu’il le garantirait notamment de toute condamnation qui résulterait d’une action en contrefaçon ou en concurrence déloyale.
Bien lui en pris puisque, sans surprise, les sociétés Puma AG et Puma France assignèrent le magasin et son fournisseur en contrefaçon de marque et concurrence déloyale et parasitaire.
Après le désistement de leur action à l’encontre du magasin, elles obtinrent la condamnation du fournisseur à lui régler la somme de 30 000 euros de dommages et intérêts pour tous les chefs de préjudice confondus. Quant au magasin, il fit condamner son fournisseur à le garantir des conséquences de la procédure ; ce qui se traduisit par l’allocation de la somme de 5000 Euros à titre de dommages et intérêts.
(Absence d’)application classique de la théorie de l’épuisement des droits
Le fournisseur incriminé interjeta appel de ce jugement en revendiquant le bénéfice des dispositions de l’article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle qui pose une limite aux pouvoirs conférés aux titulaires de marques.
Selon cet article, le titulaire d’une marque ne peut pas s’opposer à la circulation de marchandises marquées dès lors que les produits ont été mis en circulation dans l’Espace Economique Européen par lui-même ou avec son consentement. C’est la théorie dite de l’épuisement des droits.
A l’examen des pièces versées aux débats, les magistrats de la Cour d’appel de Montpellier ont pu déterminer l’origine des produits : le fournisseur présumé contrefacteur s’était approvisionné chez un revendeur monégasque, lui-même fourni par la filiale autrichienne de la société Puma AG.
Fort de ce constat, la Cour d’appel rejette donc l’exception d’épuisement des droits soulevés par le fournisseur dans la mesure où la Principauté de Monaco ne fait pas partie ni de la Communauté économique européenne, ni de l’espace économique européen ; en conséquence de quoi l’article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle n’est pas applicable au cas d’espèce puisque le premier acte de mise en circulation a eu lieu en dehors de ces communauté espace économiques européens.
La Cour d’appel confirme donc la condamnation du fournisseur pour contrefaçon de marque ; faute pour lui d’avoir rapporté la preuve de la licéité de ses propres approvisionnements et le condamne à payer aux sociétés Puma AG et Puma France la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts de ce chef.
Faisant application des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article L. 716-15 du Code de la propriété intellectuelle (dans sa rédaction issue de la Loi n°2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon), elle ordonne également aux frais du contrefacteur la publication judiciaire de la décision pour « prévenir la réitération d’actes similaires ».
La Cour d’appel confirme également la condamnation du fournisseur indélicat pour concurrence déloyale et parasitaire, estimant que ce denier s’était placé dans le sillage des sociétés Puma en profitant de la notoriété de la marque et de leur réseau de distribution sélective ; le condamnant à 15 000 de dommages et intérêts de ce chef.
L’utilité d’insérer des clauses de garantie fortes dans les contrats
En dépit du désistement des sociétés Puma à son encontre, le magasin profite des précautions prises contractuellement avec son fournisseur en faisant jouer à plein droit la clause de garantie consentie par ce dernier, qui va au-delà de la garantie d’éviction telle que prévue par l’article 1625 du Code civil puisque cette clause prévoyait notamment expressément la prise en charge de tous les frais et dépenses que le magasin aurait à supporter, y compris ceux de procédure et d’avocat, dans le cadre d’une action en contrefaçon.
Outre la condamnation à supporter ses frais et dommages, la Cour alloue 5 000 euros de dommages et intérêts au magasin en raison de l’atteinte portée à son image du fait de l’association de son nom commercial à une procédure judiciaire de contrefaçon et de parasitisme.
Morale de l’histoire : les fournisseurs doivent s’assurer da la licéité de leur approvisionnement pour pouvoir éventuellement bénéficier de manière effective de la théorie de l’épuisement des droits. Les revendeurs doivent insérer des clauses de garantie leur assurant une sécurité juridique optimale.
Source :
A propos de CA Montpellier, 12 avril 2011, RG n°09/01120