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Vendetta numérique et droit pénal

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Par Gérard HAAS et Jean-Philippe SOUYRIS

A l’instar du revenge porn illustré par une récente décision, l’imagination des ex-conjoints couplée aux usages des nouvelles technologies donne naissance à de nouvelles pratiques.

Si le revenge porn permet de caractériser l’infraction d’atteinte à la représentation de la personne prévue à l’article 226-1 du Code pénal, un récent arrêt de la Cour d’appel de Paris (Pôle 3 chambre 5, 13 avril 2016, n°15/00880) montre que l’utilisation des moyens de télécommunications pour se venger d’un ex-compagnon est susceptible d’être condamnée au titre de nombreuses autres infractions.

En l’espèce, pas moins de cinq infractions ont été relevées par la Cour à l’occasion d’une véritable vendetta numérique menée par une femme à l’égard de son ex-compagnon et de son entourage.

  • L’usurpation d’identité

L’ex-compagne avait procédé à la création de faux profils sur Facebook afin de contacter l’entourage professionnel de son ex-compagnon, mêlant insultes à caractère sexuel et propos calomnieux.

La Cour confirme la requalification opérée par le Tribunal.

Dans un premier temps, l’infraction de prise du nom d’un tiers en vue de déterminer contre lui des poursuites pénales, prévue à l’article 424-23 du code pénal, avait été retenue à l’occasion de ces faits.

En effet, les propos tenus à travers ces faux profils ne permettaient pas de déterminer des poursuites pénales à l’encontre de la victime. Néanmoins, il est indéniable que ces agissements ont été de nature à troubler sa tranquillité.

 

Les faits ont donc été requalifiés en usurpation de l’identité d’un tiers en vue de troubler sa tranquillité ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération en utilisant un réseau de communication au public en ligne, infraction prévue à l’article 226-4-1 alinéa 2 du Code pénal.

L’usurpation d’identité a un écho particulier en matière de nouvelles technologies puisqu’il est devenu très facile, notamment via les réseaux sociaux, d’utiliser l’identité d’un tiers, en témoigne le récent faux tweet publié au nom d’un homme politique.

  • Des appels téléphoniques malveillants

En l’espace de 7 mois, l’ex-compagne avait envoyé pas moins de 850 SMS à son ex-compagnon.

La Cour relève qu’il ne s’agissait pas à proprement parler d’appels téléphoniques mais d’agressions sonores. Les appels téléphoniques malveillants comme les agressions sonores pour peu qu’elles troublent la tranquillité d’autrui sont réprimés à l’article 222-16 du Code pénal.

La qualification d’agression sonore peut sembler peu adaptée à l’envoi massif de SMS – encore que la sonnerie intempestive du téléphone puisse relever de cette définition – mais les infractions ont été commises avant que la Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes ne vienne modifier l’article 222-16 du Code pénal.

Depuis, les « envois réitérés de messages malveillants émis par la voie des communications électroniques » figurent désormais également à cet article.

  • Violences sans ITT commises avec préméditation

De multiples courriels injurieux avaient été envoyés par l’ex-compagne à l’entourage personnel ou professionnel de son ex-compagnon, certains courriels ayant été transmis à plus de 200 personnes.

Par ailleurs, l’ex-compagne avait procédé à la création de profils sur différents réseaux sociaux en utilisant les noms ou pseudonymes, sous une forme modifiée mais identifiable, de son ex-compagnon et de sa nouvelle compagne pour tenir des propos particulièrement injurieux.

En premier lieu, la Cour rappelle que le délit de violences peut être constitué en dehors de tout contact avec le corps de la victime, par tout comportement de nature à causer sur celle-ci une atteinte à son intégrité physique ou psychique, tel qu’un choc émotif ou une perturbation psychologique.

Là encore, la nouvelle rédaction de l’article 222-16 précité s’adapterait à la situation, puisqu’elle recouvre les envois réitérés de messages malveillants émis par la voie des communications électroniques ce qui inclut bien évidemment les courriels.

  • Atteinte à la représentation de la personne

L’ex-compagne avait créé un profil sur twitter nommé BB pour y publier une photographie de son ex-compagnon torse nu dans son lit.

La Cour confirme le jugement en ce qu’il a déclaré l’ex-compagne coupable d’atteinte à la représentation de la personne, délit prévu à l’article 226-1 du Code pénal et défini comme le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à la vie privée d’autrui en transmettant sans son consentement l’image d’une personne prise dans un lieu privé.

Contrairement à la position de la Cour de cassation développée au sein de notre article sur le revenge porn, la Cour n’a pas ici tenu compte du fait de savoir si la photo avait été prise ou non avec le consentement de la personne.

  • Harcèlement par conjoint

L’ex-compagne avait également, dans un but malveillant, envoyé des courriels et des SMS à son ex-concubin, et à l’employeur de ce dernier.

La Cour retient l’infraction de harcèlement par conjoint, définie comme le fait de harceler son conjoint ou son concubin par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale. Cette infraction est prévue à l’article 222-33-2-1.

Naturellement, l’alinéa 2 étend l’infraction aux faits commis par un ancien conjoint ou un ancien concubin de la victime.

En conclusion, cet arrêt montre que l’utilisation d’internet et des moyens de communication pour se venger d’un ex-compagnon est susceptible de caractériser plusieurs infractions en fonction de la gravité des faits, la durée de l’Incapacité Totale de Travail faisant varier les dispositions applicables.

En effet, l’anonymat permis par internet et certains moyens de communication n’en fait pas pour autant une zone de non droit.

L’envoi massif de courriels injurieux, de SMS, la création de faux profils, la diffusion de photographies intimes figurent donc au rang des pratiques susceptibles d’être réprimées en fonction des circonstances dans lesquelles elles sont commises.

Les faits doivent néanmoins être qualifiés de manière précise et les juges n’hésitent pas à leur donner leur véritable qualification ou à les écarter notamment en vertu du principe de l’interprétation stricte de la loi pénale.

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