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Faire le point sur le statut d’hébergeur en 2011 (partie 3)

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Comment notifier à un hébergeur l’existence d’un contenu illicite

Tracer de manière plus lisible la frontière entre hébergeur et éditeur est un apport majeur de ces trois arrêts du 17 février 2011. Mais ce n’est pas le seul. En effet, à l’occasion de ces trois décisions la 1ère Chambre civile rappelle avec force et précisions l’une des procédures à suivre en cas de diffusion de contenus illicites sur la Toile.

A ce titre, il convient de rappeler que la LCEN prévoit depuis 2004 un mécanisme d’alerte formalisé par l’envoi à l’hébergeur d’une notification de contenu illicite.

En clair, une victime peut décider de saisir directement l’hébergeur en application de l’article 6.I.2 de la LCEN afin de lui notifier la présence de contenus illicite sur le site ou l’espace qu’il héberge.

La Cour de Cassation rappelle implicitement dans les arrêts Amen et DailyMotion que les dispositions de l’article 6. I. 5° de la LCEN qui fixent la forme et le contenu de cette notification sont d’ordre public.

Ainsi à défaut de mentionner :

  • La date de la notification
  • Si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ;
  • Les noms et domicile du destinataire ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
  • La description des faits litigieux et leur localisation précise ;
  • Les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;
  • La copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté.

la notification de contenu illicite ne pourra être opposable à l’hébergeur. L’attendu de principe de l’arrêt DailyMotion est sans ambigüité sur ce point :

Cass. 1ère Civ 17 février 2011 – Dailymotion

la notification délivrée au visa de la loi du 21 juin 2004 doit comporter l’ensemble des mentions prescrites par ce texte ; que la cour d’appel, qui a constaté que les informations énoncées à la mise en demeure étaient insuffisantes au sens de l’article 6-I-5 de cette loi à satisfaire à l’obligation de décrire et de localiser les faits litigieux mise à la charge du notifiant et que celui-ci n’avait pas joint à son envoi recommandé les constats d’huissier qu’il avait fait établir et qui auraient permis à l’opérateur de disposer de tous les éléments nécessaires à l’identification du contenu incriminé, a pu en déduire, sans encourir le grief du moyen, qu’aucun manquement à l’obligation de promptitude à retirer le contenu illicite ou à en interdire l’accès ne pouvait être reproché à la société Dailymotion.

Dans cette décision, la Cour semble même imposer la réalisation préalable et la communication à l’hébergeur d’un constat d’huissier pour remplir l’obligation de description et d’identification des faits litigieux. Elle précise également que les dispositifs d’alertes en ligne mis en place par les hébergeurs ne sauraient être de nature à dispenser les demandeurs du respect du formalisme de l’article 6.I.5°.

Dès lors, une fois que lui a été notifiée la présence de contenus litigieux sur le site ou l’espace web qu’il héberge, le prestataire technique devra alors retirer ledit contenu promptement à condition néanmoins que celui-ci présente manifestement un caractère illicite (Cf. n° 2004-496 DC Cons. Constit.  10 juin 2004).

Atteintes aux bonnes mœurs, à l’ordre public, infraction pénales, infraction à la loi sur la liberté de presse, etc. la notion de contenu illicite ou manifestement illicite reste vague.

Qu’en est-il par exemple lorsque la demande de retrait d’un contenu litigieux vise des propos diffamatoires prescrits ? En effet, la prescription de trois mois a été instaurée dès 1881 pour protéger le droit à l’information et la liberté d’expression. Il pourrait être considéré que passé ce délai de trois mois, les propos ne sont plus « illicites » et ne peuvent dès lors faire l’objet d’une demande de retrait légitime. Toutefois si ces mêmes propos relevaient d’une autre qualification (par exemple d’atteinte à la vie privée), alors la demande de retrait pourrait trouver une justification nouvelle et vraisemblablement fonder la demande de retrait.

La suppression d’un contenu illicite sur internet n’est donc pas chose simple et impose, outre le respect d’un formalisme strict, une motivation juridique détaillée. A ce titre, rappelons qu’une notification de contenu illicite qui serait formulée de manière abusive pourra être sanctionnée pénalement par un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende (Cf. article 6.I.8. de la LCEN).

Rappelons aussi que la notification de contenu illicite n’est pas le seul moyen proposé par la LCEN puisque l’article 6.I.8 de ce texte offre également la possibilité de saisir l’autorité judiciaire afin de solliciter que soient prescrites en référé ou sur requête « toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne ».

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De ces arrêts de la Cour de Cassation pourrait naître un sentiment de relative impunité des Sociétés exploitantes de sites communautaires. L’extension du périmètre de la notion d’hébergeur permet en effet à ces Sociétés de bénéficier d’un régime juridique plus favorable que celui applicable aux éditeurs. Doit-on pour autant parler d’un régime d’irresponsabilité ? En aucun cas.

D’une part, l’absence de réaction rapide à une notification de contenu illicite respectant le formalisme de l’article 6.I.5° de la LCEN permettra d’engager la responsabilité de l’hébergeur. C’est ce que rappelle la 1ère Chambre civile dans les arrêts du 17 février 2011.

D’autre part, lorsque le contenu litigieux a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public, il est envisageable que l’hébergeur puisse engager directement sa responsabilité en qualité de producteur à défaut d’identification de l’auteur dudit contenu.

En effet, la LCEN n’est pas le seul texte à la disposition des victimes de contenus litigieux. Depuis le 12 juin 2009 et l’insertion de l’article 93-3 dans la loi n°82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, a été ouverte une voie nouvelle. Orienté sur la responsabilité pénale du directeur de publication, l’article 93-3, qui vise également les producteurs, constitue une piste intéressante à explorer dans le cadre de la gestion de l’e-réputation et de la lutte contre les contenus illicites.

Mais attention, cette lutte ne doit pas faire perdre de vue l’impératif de protection de la liberté d’expression et sacrifier cette dernière sur l’autel de la censure. Tout sera question de mesure.

D’un côté, les victimes de contenus illicites devront s’assurer du respect d’un formalisme strict dans leur demande et opter pour la stratégie la plus efficace au regard de la qualification juridique des faits litigieux (notification de contenus illicite, référé suppression, droit de réponse, etc.).

De l’autre, les hébergeurs auront la lourde tâche d’apprécier le caractère manifestement illicite des contenus identifiés et devront s’assurer du respect de leur obligation générale de vigilance qui, si elle ne s’apparente effectivement pas à une obligation de surveillance, ne saurait être supplantée par une irresponsabilité de principe.

(Cliquer sur les liens pour lire les deux premières parties « Enjeux de la qualification d’éditeur (partie 1) » et « Zoom sur le rôle de l’hébergeur (partie 2)« )

Source :

Les arrêts : Civ. 1re, 17 févr. 2011, FS-P+B+I, n° 09-13.202, Civ. 1re, 17 févr. 2011, FS-P+B+R+I, n° 09-67.896 et Civ. 1re, 17 févr. 2011, FS-P+B+I, n° 09-15.857 disponibles sur le site legifrance.gouv.fr

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