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Compétence des Tribunaux français en matière de contrefaçon sur Internet : le critère d’accessibilité définitivement abandonné au profit de celui de la « focalisation » (arrêts ebay)

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2011 aura également été marquée par la confirmation de l’abandon définitif du critère d’accessibilité des contenus contrefaisants sur Internet depuis le territoire français retenu un temps par la Cour de cassation pour reconnaître la compétence des tribunaux français pour connaître d’actes de contrefaçon commis en ligne (cf. notamment, Cass. 1ère Civ., 9 décembre 2003 et Cass. Com. 20 mars 2007).

Le critère désormais retenu de manière constante par les tribunaux français est celui dit de la « focalisation » ; ce qui consiste à exiger, en plus de l’accessibilité du site, des éléments objectifs révélant que le site ou le responsable du site visent le ressort du juge saisi ou dirigent spécialement leur activité et/ou leurs contenus vers celui-ci.

Ainsi, par exemple, plusieurs arrêts « ebay » rendus par la Cour d’appel de Paris et par la Cour de Cassation (Cass. Com. 29 mars 2011 et 20 septembre 2011, Arrêts Ebay) sont venus confirmer une évolution jurisprudentielle opérée depuis 2010 en jugeant de manière ferme et dépourvue de toute ambiguïté que « la seule accessibilité d’un site Internet sur le territoire français n’est pas suffisante pour retenir la compétence des juridictions françaises, prises comme celles du lieu du dommage allégué, sans rechercher si les annonces litigieuses étaient destinées au public de France ».

Il convient ainsi de caractériser dans chaque cas particulier un lien suffisant, substantiel ou significatif entre les faits ou actes de contrefaçon dénoncés et le dommage allégué.

Le dernier arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 6 décembre 2011 sur le renvoi de la Cour de cassation consacre cette solution avec force :

« la circonstance selon laquelle l’usage de la langue anglaise serait selon l’intimée indifférente, le contenu des annonces compréhensible par le public de France et ne permettraient ainsi pas d’exclure le public français, ne suffit pas au cas d’espèce à caractériser que les annonces litigieuses aient été destinées au public de France ; qu’en effet, la rédaction de ces annonces en langue anglaise démontre qu’elles ne visent pas d’emblée le public de France, que la langue anglaise, quelle que soit son expansion, n’est pas accessible à tout français, qu’il n’est pas démontré que le site concerné mette personnellement à la disposition de l’internaute francophone un logiciel automatique de traduction en langue française des annonces pour les lui destiner ; que les annonces sont certes accompagnées de photos permettant d’identifier l’article, que leur contenu rédactionnel pour chaque article vise essentiellement la taille, selon mesure en inches non pratiquée par les vendeurs à destination des consommateurs français, et le prix exprimé en US$, monnaie n’ayant pas cours dans les transactions en France, que toutefois, la livraison effective d’un achat par un consommateur français sur le site litigieux ne se limite pas à la compréhension du prix et de la taille de l’article, à supposer ces éléments admis, mais impose le suivi de l’ensemble des instructions fournies en seule langue anglaise »

Perspective : cette décision laisse craindre pour 2012 des difficultés pour les victimes de contrefaçon à saisir les tribunaux français lorsque les actes de contrefaçon de marques seront commis via des sites étrangers, édités et hébergés à l’étranger, mais qui livreraient néanmoins des produits contrefaisants en France en passant commande sur le Web.

La propriété intellectuelle n’est pas la seule matière touchée par ces difficultés. Les questions d’atteinte à la vie privée ou à la réputation des personnes sont également concernées par ces délicates questions de compétence des tribunaux et de loi applicable.

Des décisions politiques fortes s’imposeraient pour harmoniser les règles en la matière et pour éviter que des personnes françaises victimes de délits commis à leur encontre via Internet ne puissent être poursuivre lesdits délits et obtenir réparation en France.

L’évolution des techniques (cloud computing, notamment) accentuera ces phénomènes et ces risques de perte de contrôle des marques sur leur usage dématérialisé.

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