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Distribution sélective et interdiction de vendre sur catalogue

vente à distance

Vente à distance et distribution sélective : l’amour impossible.

Après s’être prononcée sur l’interdiction de vente sur Internet dans le cadre d’un réseau de distribution sélective, la jurisprudence s’intéresse à la vente par correspondance et plus particulièrement l’interdiction de vendre sur catalogue des produits soumis à un accord de distribution sélective.

En l’espèce, la société P., tête de réseau avait conclu un accord de distribution sélective avec la société A., distributeur des produits de la société P.

Or, le distributeur décida de réaliser un catalogue des produits fournis par la société P. pour les proposer à la vente par correspondance à des collectivités (comités d’entreprises, etc.). Ceci ne tarda pas à irriter le promoteur du réseau de distribution, la société P., qui lui retira son agrément et suspendit la livraison après de vaines mises en demeure de cesser ces pratiques.

Le distributeur, convaincu d’avoir respecté le contrat et considérant que la prohibition de ce type de vente était illicite, assigna le fournisseur.

La distribution sélective potentiellement considérée comme une entente anticoncurrentielle.

Un fournisseur ne peut avoir recours à la distribution sélective que si la nature du produit qu’il fabrique le requiert. Il s’agit le plus souvent des produits de luxe, de haute technicité, etc.

Les réseaux de distribution sélective ont d’ailleurs été conçus initialement par les parfumeurs afin de contourner l’interdiction du refus de vente, qui était alors un délit jusqu’en 1986.

Aux yeux du droit français et européen de la concurrence, la distribution sélective équivaut à une entente verticale, entre le fournisseur et le distributeur, qui restreint le libre jeu de la concurrence puisqu’elle exclut les distributeurs qui ne répondent pas aux critères qualitatifs ou quantitatifs imposés par le fournisseur.

La distribution sélective strictement encadrée

Même si un accord de distribution sélective peut être susceptible d’avoir des effets anticoncurrentiels, il doit être considéré comme licite s’il répond à certaines conditions.

C’est un règlement européen dit « règlement d’exemption » n° 330/2010, applicable pour les accords conclus après le 1er juin 2010 et remplaçant le règlement n° 2790/1999 du 22 décembre 1999, qui crée une zone de sécurité pour les accords de distribution répondant à certains critères.

En vertu de ce règlement n° 330/2010, sont exemptés et donc considérés comme licites tous les accords de distribution sélective répondant à deux conditions cumulatives : l’absence de « clause noire » encore appelées restrictions caractérisées (clause très nocive pour le libre jeu de la concurrence comme, à titre d’exemple, une clause de prix imposés) dans le contrat et le fait que chacune des deux parties au contrat (fournisseur et distributeur) ne détienne pas une part de marché supérieure à 30 % sur son marché respectif (marché de la vente pour le fournisseur et marché de l’achat pour le distributeur).

Si ces deux conditions sont remplies, l’accord de distribution ne risque pas de tomber sous le coup d’une condamnation pour entente anticoncurrentielle illicite sur le fondement de l’article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

Vente par correspondance et vente en ligne

En l’espèce, la Cour de cassation se place dans le sillage de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en considérant que les juges du fond auraient du « rechercher si les clauses litigieuses avaient pour objet de restreindre les ventes passives ou actives aux utilisateurs finals par les membres du système de distribution sélective », en application de l’article 4, sous c), du règlement 2790/1999 du 22 décembre 1999.  Si tel était le cas, l’accord ne pourrait être exempté dans la mesure où il comporterait une « clause noire » et serait alors considéré comme une entente verticale anticoncurrentielle réprimée par le premier paragraphe de l’article 101 du TFUE.

La CJUE, saisie d’une question préjudicielle de la Cour d’appel de Paris, avait considéré, dans un arrêt du 13 octobre 2011, qu’une interdiction absolue et générale de vendre sur Internet pouvait être considérée comme une restriction caractérisée (ou clause noire) ne pouvant bénéficier d’une exemption par catégorie (c’est-à-dire de l’exemption prévue par le règlement n° 330/2010)

La question qui se posait incidemment était de savoir si la jurisprudence en matière de vente en ligne était transposable à la vente par correspondance, ce que rejetaient clairement les juges du fond reprenant un extrait d’une décision du Conseil de la concurrence (décision n° 07-D-07) selon lequel « on ne peut assimiler l’interdiction de vente d’un produit sur Internet au sein d’un réseau sélectif agréé à une interdiction de vente par correspondance classique » dans la mesure où la vente par correspondance « ne peut offrir au consommateur ni la vitrine de présentation, ni l’interaction, au travers notamment de l’existence d’une « hot line » et de l’utilisation de films, qu’est susceptible d’offrir un site de vente en ligne ».

La Cour de cassation qui ne se prononce pas sur ce point, renvoie l’affaire devant les juges du fond afin que ces derniers recherchent si les clauses litigieuses, c’est-à-dire celle obligeant la vente en point de vente physique, excluant de ce fait la vente par correspondance.

Même si une telle décision manque de motivation, elle a, tout au moins, le mérite d’être l’une des rares décisions de la Cour de cassation faisant application du règlement européen d’exemption concernant les restrictions verticales.

Sources

  • Cass. Com. 20 mars 2012, n°10-16329
  • CJUE, Pierre Fabre Dermo-Cosmétique SAS c/ Président de l’Autorité de la Concurrence c. Ministre de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi, 13 octobre 2011, Aff. C-439/09
  • Décision de Conseil de la concurrence n° 07-D-07 du 8 mars 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle
  • Règlement n°2790/1999 du 22 décembre 1999 concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées.
  • Règlement n° 330/2010 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées.
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