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L’utilisation fautive d’une marque dans les codes sources d’un site Internet – TGI Paris, 12 janvier 2016

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L’usage d’une marque dans les codes sources d’un site Internet ne constitue pas un acte de contrefaçon, mais peut caractériser un acte de concurrence déloyale engageant la responsabilité délictuelle de l’éditeur du site.

C’est ce qu’a jugé récemment le Tribunal de Grande Instance de Paris dans son jugement du 12 janvier 2016, dans une affaire opposant deux sociétés liées auparavant par un contrat de licence de marque portant sur l’utilisation de la marque litigieuse reproduite dans les codes sources du site Internet postérieurement à la fin du contrat de licence.

La société Sapia qui exerce une activité de courtage d’assurances, de réassurances et de prévoyance, est titulaire de deux marques françaises Sapia Gestion et Sapia enregistrées pour désigner différents services relevant des classes 35, 36 et 38.

A la suite d’un premier contentieux, la société Sapia avait consenti à la société Apri Prévoyance une licence d’exploitation de sa marque Sapia et des noms de domaine « sapiagestion.com », « sapiagestion.fr » et « sapiagestion.eu » ; licence qui prenait fin le 31 décembre 2012.

Toutefois, la société Sapia, faisant constater par des agents assermentés de l’APP une poursuite de l’exploitation par Apri Prévoyance qu’elle pensait être devenue l’Apgis, du signe distinctif Sapia et en particulier des noms de domaine concédés en licence, a mis en demeure cette société de cesser cette utilisation illicite.

La société Humanis Prévoyance venant aux droits de la société Apri Prévoyance a alors signé un protocole d’accord transactionnel avec la société Sapia l’autorisant à continuer d’exploiter uniquement le signe « Sapia Gestion » ainsi que les noms de domaine susvisés jusqu’au 31 décembre 2013, moyennant le paiement d’une redevance forfaitaire, avec un engagement irrévocable au terme du contrat, de cessation de toute utilisation du signe distinctif Sapia Gestion.

Constatant la persistance des utilisations malgré la venue à échéance de cet accord, la société Sapia a fait procéder à une saisie-contrefaçon aux sièges de la société Humanis Prévoyance avant de l’assigner en responsabilité contractuelle et contrefaçon de marques, faisant valoir ultérieurement des actes de concurrence déloyale.

La société Sapia est déboutée de sa demande de contrefaçon de marque à l’identique fondée sur les dispositions des articles L. 713-2 et L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle, les pièces produites aux débats ne permettant pas d’imputer la commission d’actes de contrefaçon par la société Prévoyance postérieurement au 1er janvier 2014 (date à laquelle avait pris fin la licence d’utilisation de la marque Sapia Gestion).

En effet le Tribunal juge que « la mention du signe Sapia Gestion dans les codes sources du site dynamis.fr que la société Humanis Prévoyance exploite, ne constitue pas un usage du signe litigieux dans la vie des affaires, dès lors que celui-ci se trouve non visible pour l’internaute » et que « la société Humanis Prévoyance ne peut être tenue pour responsable du bon positionnement de son site Internet dans les résultats naturels de la requête sur le moteur de recherche Google, avec les mots clés « sapia » et « gestion », qui dépend de paramètres qu’elle ne maîtrise pas ».

En revanche, le Tribunal accueille la demande formée à titre subsidiaire par la société Sapia Gestion sur le fondement de la concurrence déloyale et de l’article 1382 du Code civil.

En effet, pour les juges du fond, « l’utilisation du terme « sapia » dans les codes sources du site dynalis.fr est une démarche volontaire et délibérée, qui permet à celui qui en use de bénéficier de la notoriété de celui dont elle utilise l’identification et caractérise un comportement fautif qui justifie la condamnation de l’auteur au paiement de la somme de 10.000 euros ».

Le Tribunal retient également la responsabilité contractuelle de la société Humanis Prévoyance qui a manqué à son obligation d’information de la société Sapia du nouveau signe distinctif adopté en lieu et place de celui qui lui était concédé à titre de licence et à son obligation de redirection des noms de domaine litigieux vers un nouveau site Internet dans les trois mois précédant la fin du contrat de licence.

L’utilisation d’une marque dans les codes sources d’un site Internet doit être faite avec beaucoup de prudence dès lors qu’elle est susceptible d’engager la responsabilité de l’éditeur du site.

Ainsi, il convient de ne pas oublier que la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 19 mars 2014, avait jugé que « l’utilisation d’un signe distinctif sur un site internet visant le public français peut ainsi constituer un acte d’usage contrefaisant de marque, quelle que forme que prenne cette utilisation et même si le signe n’est pas visible pour l’internaute » et retenu que l’usage de la marque Steelnovel à titre de méta-tags dans les codes sources d’un site Internet concurrent constituait bien « un usage de la marque « Steelnovel » dans le contexte de l’activité commerciale » de l’éditeur du site, « visant à un avantage économique (…) et ce, sans l’autorisation de sa propriétaire ». (voir aussi article « Référencement : utiliser la marque d’un concurrent comme mot-clé est-il permis ? | Haas Avocats« )

Si c’est le fondement de la concurrence déloyale et de l’article 1382 du Code civil qui est retenu en l’espèce par le TGI de Paris, la question n’est pas définitivement tranchée en jurisprudence et restera très certainement ouverte à débats tant que la Cour de cassation ne se sera pas prononcée dans un arrêt de principe.

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