La Procédure UDRP (Universal dipsute resolution procedure) permet à des titulaires de marques d’obtenir à leur profit le transfert de noms de domaines réservés par un tiers de mauvaise foi.
Cette procédure est régulièrement utilisée dans des cas de cybersquatting. L’utilisation du nom de domaine ainsi réservé peut être variée, création d’une copie du site original, vente d’articles contrefaits, génération de revenus publicitaires, revente du nom de domaine au titulaire de la marque…
Dans une récente affaire concernant la marque de lingerie féminine Chantelle (OMPI 5 décembre 2016 Litige No. D2016-1961), c’est la création d’adresses de messagerie électronique qui intéressait le réservataire du nom de domaine groupe-chantelle.com, quasiment identique au nom de domaine de la société Chantelle, groupechantelle.com
Grâce à ces adresses de messagerie, le titulaire se faisait passer pour le service comptabilité de la société Chantelle et adressait des courriels aux partenaires de cette dernière en leur communiquant les prétendues nouvelles coordonnées bancaires du groupe en vue de détourner des versements bancaires destinés à la société Chantelle.
Pour mettre fin à ces agissements, la société Chantelle S.A. a initié une procédure UDRP devant la Commission de l’OMPI.
Dans ce cadre, selon les principes directeurs approuvés par l’ICANN (http://www.wipo.int/export/sites/www/amc/fr/docs/icannpolicy.pdf), pour pouvoir obtenir le transfert à son profit du nom de domaine groupe-chantelle.com, elle devrait démontrer que les trois conditions cumulatives suivantes étaient réunies :
- 1/ Le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à sa marque de produits ou de services sur laquelle elle a des droits : la société Chantelle SA a démontré qu’elle était titulaire de plusieurs marques « Chantelle », en France et à l’étranger. La commission a également tenu compte du nom de domaine de la société Chantelle, qui ne différait du nom de domaine litigieux que par la présence d’un trait d’union, pour considérer que la première condition était remplie.
- 2/ Le titulaire du nom de domaine n’a aucun droit sur celui-ci ni aucun intérêt légitime qui s’y attache. En pratique la charge de la preuve de l’absence d’intérêt légitime est transférée au titulaire du nom de domaine contesté. En l’espèce, ce dernier n’a formulé aucune observation, cette condition est également remplie.
- 3/ Le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi. Le fait, comme en l’espèce, que le nom de domaine ne soit pas utilisé pour renvoyer vers un site est souvent un premier indice de la mauvaise foi de son titulaire comme le rappelle la Commission dans cette affaire.
La mauvaise foi du titulaire était pleinement constituée du fait des actes d’usurpation d’identité auquel il s’est livré.
Toutes les conditions nécessaires étant remplies, la Commission de l’OMPI a ordonné le transfert du nom de domaine groupe-chantelle.com au profit de la société Chantelle.
Bien que la Commission fasse explicitement référence à la qualification pénale d’usurpation d’identité, il n’est bien entendu pas de son ressort de sanctionner de tels actes au titre des textes qui les répriment. Cette dernière ne peut que prendre en compte les éléments constitutifs de ce délit pour établir la mauvaise foi du titulaire d’un nom de domaine, et justifier le transfert de ce dernier.
Si elle n’avait pas fait le choix de la procédure UDRP, c’est en effet sur le fondement de l’usurpation d’identité et non de la contrefaçon de marque que la société Chantelle aurait pu agir. En effet, en vertu de l’article 226-4-1 du Code Pénal, « Le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. ».
Toutefois, une telle action n’aurait sans doute pas permis à la société Chantelle d’obtenir le transfert du nom de domaine litigieux dans les mêmes délais.
Cette affaire souligne l’intérêt de disposer d’une marque afin de pouvoir accéder aux procédures alternatives de règlement des litiges mises en place en matière de nom de domaine.
De même, une stratégie active de réservation de noms de domaine similaires à celui exploité en principal (tirets, pluriel, autres extensions, par exemple) permet de limiter le risque de cybersquatting.
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