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Action en diffamation et recherches universitaires : qui est compétent pour trancher ?

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L’arrêt de la Cour de Cassation du 23 février 2011 déclare le Juge Judiciaire incompétent pour apprécier le caractère diffamatoire d’ouvrages présentant des résultats de recherches universitaires.

Il convient de procéder à un bref rappel des faits :

Mme Y, professeur de littérature à l’université de Tours, est l’auteur d’un ouvrage intitulé « Plagiats, les coulisses de l’écriture« , paru en 2007 aux éditions de la Différence. Cet ouvrage est la reproduction de son rapport d’habilitation à diriger des recherches. Ce document contient une analyse textuelle d’un passage du livre, « Le sacre de l’auteur », que M. X avait fait paraître en 2004.
Celui-ci estime que cette analyse est diffamante à son égard. En conséquence, il fait assigner l’auteur et l’éditeur de l’ouvrage devant le tribunal de grande instance de Versailles. Il désire la suppression des pages comprenant l’analyse litigieuse et l’allocation de 100 000€ de dommages et intérêts. Mme Y lui oppose, alors, l’incompétence de cette juridiction.
Le juge administratif est-il compétent pour apprécier le caractère diffamatoire d’un ouvrage restituant des recherches universitaires ?
En principe, le juge administratif est compétent dans l’hypothèse d’actions en réparation de dommages liés à une activité administrative.
En publiant son rapport d’habilitation à diriger des recherches, Mme Y a-t-elle agi en tant qu’agent administratif en diffusant « des connaissances en liaison avec l’environnement économique, social et culturel » ? ou bien a-t-elle commis une faute personnelle?
Rappelons que la faute personnelle entraîne la mise en jeu de la responsabilité du fonctionnaire devant les juridictions judiciaires. La faute de service, quant à elle, permet d’engager des poursuites devant les juridictions administratives contre l’administration.

L’arrêt Pelletier opère cette distinction

Doit être entendue par faute personnelle :

  • celle qui est dépourvue de tout lien avec l’activité administrative exercée par la personne considérée. C’est la faute commise dans le cadre de la vie privée, sans que la qualité de fonctionnaire de l’auteur soit à prendre en considération.
  • celle commise en dehors de l’exercice, mais qui n’est « pas dépourvue de tout lien » avec les fonctions de l’agent administratif.
  • celle commise dans l’exercice même des fonctions, mais qui répond à certaines conditions qui ne permettent pas de la considérer comme une faute de service, en raison notamment de sa gravité.

M.X soutient que la faute de Mme Y est personnelle.
En effet, d’une part,  la publication de l’ouvrage litigieux a été confiée à une maison d’édition privée et, d’autre part, celui-ci porte sur des recherches anciennes, déjà diffusées dans le cadre universitaire.
Puisqu’elle publie cet ouvrage pour son propre compte et qu’elle ne diffuse par ce biais que des recherches anciennes, il apparait évident, pour le demandeur, que Mme Y agit dans son unique intérêt et par conséquent, qu’elle ne peut se prévaloir de sa qualité de d’enseignant-chercheur investi d’une mission de service public.
La Cour de cassation énonce:

« que quel qu’en soit le support, la publication d’un ouvrage, qui est le résultat de recherches universitaires, entre dans la mission du service public de l’enseignement supérieur et relève des fonctions des enseignants-chercheurs qui s’exercent dans le domaine de la diffusion des connaissances ».

Ainsi, le juge administratif est reconnu compétent pour apprécier le caractère diffamatoire d’ouvrages tirés de recherches universitaires.
Cette décision entraine de lourdes conséquences pour l’avocat. En effet, la Cour de Cassation rappelle que les règles de compétence des juridictions sont d’ordre public et peuvent être invoquées à tous les stades de la procédure.
Si l’avocat  forme une demande introductive d’instance devant une juridiction de l’ordre judiciaire, comment expliquer à son client la perte de temps et les frais engagés dans une procédure qui demeurera infructueuse ?
Fort heureusement, la prescription de l’action en diffamation (pourtant enfermée dans un délai de trois mois) n’est pas encourue en l’espèce.
 
En effet, la demande introductive d’instance conserve un effet interruptif de prescription et de forclusion. Et ce, même si elle a été formée devant une juridiction incompétente.
Sources :
Arrêt de la courd de Cassation du 23 février 2011 n° 09-72059
Tribunal des Conflits. 30 juillet 1987, Rec. p. 117
Conseil d’Etat. 17 décembre 1999 – Moine
Cour de Cassation. Chambre Criminelle. Audience du 20 Septembre 2006

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